DE NOTRE CORRESPONDANTE
LES CANCERS de la tête et du cou (affectant les sinus, cavités nasales et orales, pharynx, larynx et autres sites de la région) figurent au 8e rang des cancers les plus fréquents et représentent un véritable défi thérapeutique.
En effet, en dépit des avancées, les résultats cliniques restent décevants, et les effets toxiques de la radiothérapie sur les tissus importants avoisinants compromettent la qualité de vie des patients.
Une équipe dirigée par le Dr Fei-Fei Liu (Université de Toronto, Canada) a donc cherche à identifier une cible moléculaire qui sensibilise le cancer aux radiations.
Afin de mener une recherche non biaisée, les chercheurs ont criblé deux grandes bibliothèques de petits ARN interférents (ARNsi) sur une lignée de cellules cancéreuses humaines de l’hypopharynx (cellules FaDu).
Cela leur a permis d’identifier l’UROD (uroporphyrinogène décarboxylase) comme un puissant modulateur de la réponse tumorale à l’irradiation ; en effet l’inhibition de l’UROD (par ARNsi) majore la sensibilité des cellules cancéreuses à l’effet de l’irradiation, induisant leur apoptose et l’arrêt de leur cycle cellulaire.
L’UROD, impliquée dans la biosynthèse de l’hème.
L’UROD est une enzyme impliquée dans la biosynthèse de l’hème. Son inhibition perturbe l’équilibre du fer, augmentant de ce fait la production de radicaux libres dans les cellules. Ce stress oxydatif devient létal pour les cellules cancéreuses en présence d’une agression supplémentaire comme l’irradiation ; en revanche, les cellules normales sont plus résistantes aux agressions oxydatives.
L’efficacité de l’approche a été évaluée dans des modèles in vivo. L’inhibition de l’UROD (par UROsi) dans des cellules cancéreuses (FaDu) réduit leur la capacité à former des tumeurs lorsqu’elles sont injectées chez la souris, et l’ajout de la radiothérapie a un effet synergique. Chez des souris porteuses de tumeurs établies xénogreffées (FaDu), l’injection d’URODsi entraîne, uniquement lorsqu’elle est combinée à la radiothérapie locale, une réduction de la taille de la tumeur.
Des analyses de biopsies de patients atteints de cancers de la tête et du cou révèlent que les taux d’UROD sont significativement plus élevés dans les tumeurs que dans le tissu normal.
De plus, les chercheurs ont constaté que la présence intratumorale de plus faibles taux d’UROD chez les patients atteints d’un cancer tête et cou avant la radiothérapie est corrélée à une meilleure survie sans maladie. Ce qui suggère que l’UROD pourrait être utilisée pour prédire la réponse des patients à la radiothérapie.
Les implications thérapeutiques pourraient être larges.
L’équipe a pu constater que l’inhibition de l’UROD sensibilise les cancers de la tête et du cou également à divers agents chimiothérapeutiques (cisplatine, 5-fluorouracil, ou paclitaxel).
Par ailleurs, son effet radiosensibilisant s’étend aux autres types de cancers humains testés (poumon, prostate, sein, col utérin).
« Notre étude identifie donc l’UROD comme un puissant agent qui sensibilise sélectivement les tumeurs à l’irradiation et à la chimiothérapie, avec un intérêt potentiel dans de nombreux cancers humains », concluent les chercheurs.
« L’UROD pourrait avoir en clinique deux usages : servir de cible thérapeutique et constituer un biomarqueur prédictif », explique au « Quotidien » le Dr Emma Ito, première signataire de ce travail.
« Nous espérons qu’un médicament inhibant l’UROD pourra être développé, et utilisé en conjonction avec la radiothérapie ciblée et la chimiothérapie, afin d’améliorer le résultat du traitement sans majorer la toxicité pour les patients cancéreux. »
« De plus, l’expression de l’UROD pourrait potentiellement servir d’élément prédictif pour la réponse des patients à la radiothérapie. En collaboration avec une équipe internationale, nous sommes en train de développer une petite molécule inhibitrice contre l’UROD. Des études précliniques seront conduites avec les composés chefs de file dans des lignées cellulaires de cancer humain et dans des modèles in vivo de xénogreffe. Une fois l’efficacité in vitro et in vivo établie, nous procéderons rapidement aux essais cliniques qui, nous l’espérons, pourront débuter dans les prochaines années. »
Science Translational Medicine, Ito et coll., 26 janvier 2011
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