LES LYMPHOMES cutanés correspondent à des proliférations lymphoïdes débutant et prédominant au niveau de la peau. Ils constituent un groupe hétérogène d’entités ayant des tableaux cliniques, histologiques, immunohistologiques et évolutifs très variés et représentent la deuxième localisation des lymphomes extraganglionnaires après les lymphomes digestifs. Les lymphomes T représentent de 75 à 80 % des lymphomes cutanés et leur incidence est passée de 1980 à 2000 de 4 à 6 par million de personnes et par an à 9,6 par million de personnes et par an sans que la cause de cette augmentation ait pu être mise en évidence. Les plus fréquents sont le mycosis fongoïde et le syndrome de Sézary.
La dernière classification hiérarchise les sous-groupes en entités cliniques et anatomopathologiques très précises ce qui permet maintenant de donner, dès le diagnostic, des arguments pronostiques afin de choisir les options thérapeutiques les mieux adaptées.
La recherche de nouveaux marqueurs.
De nouvelles mutations associées à différents types de lymphomes cutanés ont été déterminées et on attend beaucoup de l’étude du génome. Ces nouveaux marqueurs devraient permettre non seulement une meilleure approche diagnostique, mais ils pourraient aussi constituer une aide à l’évaluation du pronostic, au suivi de la réponse au traitement et au repérage de la maladie résiduelle.
De grands progrès ont été réalisés dans l’identification de marqueurs diagnostiques à partir d’un simple prélèvement sanguin. Un travail réalisé par l’équipe de l’hôpital Saint-Louis, présenté lors du World Congress of Cutaneous Lymphomas (1) et qui vient d’être publié dans « Blood » a recherché 4 marqueurs par qRT-PCR (quantitative Real-time PCR) dans les CD4+ de 81 patients atteints de syndrome de Sézary : la T-plastine, le facteur de transcription Twist, le CD158k/KIR3DL2 et le NKp46. « Les deux premiers sont connus depuis un certain nombre d’années, les deux derniers ont été identifiés dans notre laboratoire. Cette étude a permis de montrer qu’avec ces 4 marqueurs on identifie 100 % des syndromes de Sézary, puisque les quatre marqueurs sont présents dans 20 % des CD4+, trois dans 53 %, deux dans 20%, un seul marqueur -Twist, T-plastin ou NKp46- dans 7 % des échantillons (2) », explique le Pr Martine Bagot. Dans le syndrome de Sézary, la mise en évidence de marqueurs tumoraux ou de signatures moléculaires spécifiques devrait faciliter le diagnostic à un stade plus précoce, conforter le diagnostic différentiel, et permettre d’évaluer l’impact des traitements. Une étude européenne prospective, longitudinale et multicentrique va analyser l’expression de nouveaux marqueurs diagnostiques et pronostiques sur une grande série de 100 syndromes de Sézary, avec des examens répétés à 2, 24 et 36 mois afin de dégager leur valeur pronostique en les confrontant à l’évolution de la maladie.
Dans ces pathologies où les rémissions ne sont souvent que partielles avec les chimiothérapies classiques, les progrès dans la connaissance des caractéristiques histologiques, moléculaire etc. des lymphomes amènent à développer de nouvelles thérapeutiques, en particulier des traitements ciblés.
Le développement des thérapies ciblées.
On parle beaucoup du Brentuximab Vedotin, chimère développée à partir d’un anticorps anti-CD30 et d’un cytostatique, la lauristatine E. Ce nouvel anticorps est particulièrement intéressant car il s’adresse à des patients qui ont échappé aux autres lignes de traitement. Il est efficace dans les mycosis fongoïdes transformés, et une étude menée chez 20 personnes montre que 70 % des patients (14 sur 20) répondent, avec un délai moyen de réponse de six semaines. L’analyse des CD30 chez ces sujets met en évidence que la réponse clinique est indépendante du niveau d’expression des CD30 (3).
Un autre anticorps monoclonal semble assez prometteur ; le mogamulizumab, un anticorps humanisé dirigé contre un récepteur des chimiokines, qui est en cours d’essai dans le syndrome de Sézary. Le CCR4 participe au contrôle des lymphocytes T surtout de type Th2 et des cellules Treg et est surexprimé dans diverses cellules T malignes dont le syndrome de Sézary.
« Ces traitements ne sont jamais prescrits en première intention actuellement , rappelle le Pr Bagot, et dans les études de phase III qui débutent les participants sont inclus après échec d’au moins un traitement systémique ».
Les inhibiteurs des histones désacétylases (HDAC) sont testés dans de nouvelles stratégies. La désacétylation des histones favorise la condensation de la chromatine et inhibe la transcription de certains gènes suppresseurs de tumeur. Il existe différentes classes d’inhibiteurs des HDAC dont seulement deux, le vorinostat et la romidepsine – sont approuvés par la FDA dans le traitement des rechutes de lymphomes cutanés à cellules T. Il semble que ces molécules ne soient pas actuellement suffisamment actives en monothérapie et elles sont étudiées, en particulier le vorinostat (Zolinza), en association thérapeutique.
Le lénalidomide (Revlimid) a un mécanisme d’action complexe, à la fois antinéoplasique, antiangiogénique, érythropoïétique et immunomodulateur. Un protocole de l’EORTC évalue son efficacité comme traitement de maintenance dans un essai multicentrique de phase III chez des malades ayant un lymphome T cutané avancé. Un essai de phase II du Groupe français d’étude des lymphomes cutanés étudie l’effet de Revlimid dans les lymphomes cutanés primitifs B à grandes cellules type jambe, chez des patients en rechute ou réfractaires à un traitement initial associant rituximab et polychimiothérapie.
D’après un entretien avec le Pr Martine Bagot, hôpital Saint-Louis, université Paris 7 Sorbonne Paris Cité, unité Inserm U97, centre de recherche sur la peau.
(1) ISBICL (6th International Symposium on the Biology and Immunology of Cutaneous Lymphoma) et WCCL (2nd World Congress of Cutaneous Lymphomas), http://cutaneouslymphomas2013.com/
(2) Combination of PLS3, TWIST, CD158K/KIR3DL2 and NKP46 gene expression for the diagnosis of Sezary syndrome. Michel Laurence, UMRS-976, hôpital Saint-Louis, Ibid. P-020.
(3) Brentuximab demonstrates clinical activity in mycosis fungoides (mf) and sezary syndrome (ss) irrespective of tissue cd30 expression by routine immunohistostaining. Michael S. Krathen (USA), Ibid.Abstract O-088.KK
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