L’hémorragie postopératoire reste une complication fréquente et délétère de la chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle. En cause, une hémostase inadéquate, ou des saignements microvasculaires liés à une dysfonction plaquettaire ou à une déplétion en facteurs de la coagulation — autrement dit, à des troubles de la coagulation.
Dans ce dernier cas, le traitement le plus courant, utilisé dans « approximativement 25 % des chirurgies cardiaques », selon un éditorial du Journal of the American Medical Association (1) - demeure l’administration de plasma frais congelé. Cette option thérapeutique a fait ses preuves, notamment en termes de sécurité — avec néanmoins un risque rare (< 0,01%) de syndrome respiratoire aigu post-transfusionnel (Trali) ou de réaction allergique sévère.
La CCP, alternative potentielle en cas d’hémorragie post-chirurgicale
Toutefois, la surcharge volémique induite par ce traitement peut s’avérer problématique. Certes, globalement, seul un patient sur mille est concerné. Cependant, comme le note l’éditorial du JAMA, « l’administration rapide de la quantité de plasma nécessaire (750 à 1 000 ml de plasma) peut être particulièrement préjudiciable chez certains patients, notamment ceux présentant un dysfonctionnement ventriculaire droit important ou ceux qui sont euvolémiques ».
Dans ce contexte, une solution alternative se dégage : l’administration de concentré de complexe de prothrombine (CCP) — aussi appelé complexe de facteur IX, composé de divers facteurs de coagulation (facteurs II, IX et X, et parfois VII) et initialement développé pour le traitement de l’hémophilie B. De petits essais cliniques ont suggéré un intérêt de ce type de produit sanguin labile pour corriger rapidement des déficits de la coagulation, et certains pays — notamment du Nord de l’Europe — utilisent déjà le CCP, en association avec du plasma.
Pour confirmer ces bonnes performances, des chercheurs canadiens ont lancé une nouvelle étude : l’essai randomisé multicentrique Fares-II (2), qui a inclus 420 adultes — dont 74 % d’hommes, de 66 ans d’âge médian — ayant subi une chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle (complexe dans 70 % des cas) s’étant compliquée d’une hémorragie avec déplétion en facteur de la coagulation. La moitié de l’effectif a reçu du CCP (1 500 UI ≤ 60 kg ; 2 000 UI > 60 kg), et l’autre moitié du plasma congelé (3 UI ≤ 60 kg ; 4 UI > 60 kg). En cas de besoin, une seconde dose de CCP ou de plasma (selon le bras de l’essai) pouvait être administrée. En cas de besoin de dose supplémentaire, seul du plasma pouvait être utilisé. Tous les participants ont été suivis pendant 30 jours.
Supériorité du CCP
Finalement, cet essai met bien en évidence une non-infériorité de la CCP par rapport au plasma, voire une supériorité. En effet, si une efficacité hémostatique a été constatée chez 60 % des patients du groupe plasma, ce chiffre atteignait 78 % dans le groupe CCP. Si bien qu’avec seulement 6,6 unités reçues, les individus du bras interventionnel ont au total reçu un tiers de moins de transfusions (d’hématies, de plaquettes et de plasma supplémentaire) que ceux du bras témoin — qui ont plutôt reçu 9,3 unités de transfusion.
Le tout, pour un profil de sécurité également en faveur du CCP. Car le risque relatif d’effet indésirable sévère était plus de 75 % supérieur avec du plasma qu’avec du CCP. Dans le même esprit, si seuls 10 % des patients du groupe CCP ont développé des effets indésirables rénaux, ce chiffre atteignait presque 19 % dans le bras plasma.
(1) Ryan Wang, Elliott Bennett-Guerrero, et al. Is it time to replace plasma with prothrombin complex concentrate in cardiac surgery? JAMA. Published online March 29, 2025
(2) Keyvan Karkouti, Jeannie L. Callum, Justyna Bartoszko, et al. prothrombin complex concentrate vs frozen plasma for coagulopathic bleeding in cardiac surgery: The Fares-II multicenter randomized clinical trial. JAMA. Published online March 29, 2025
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