Les réparations bord à bord des valves cardiaques dans les insuffisances auriculo-ventriculaires font parler d’elles depuis plusieurs années. « Cette technique, qui consiste à rapprocher entre eux soit les feuillets de la valve mitrale, soit les feuillets de la valve tricuspide, a été décrite dès le début des années 2000 par des confrères chirurgiens », indique le Dr Erwan Donal, cardiologue au CHU de Rennes.
Des sutures aux clips
Initialement, il s’agissait d’une méthode de suture imparfaite. Mais ces réparations bord à bord des valves ont marqué des progrès importants, avec le développement de pinces implantables par voie percutanée - soit via le septum interatrial, soit via la veine cave inférieure. « Du fait d’une force radiaire supérieure au fil de suture utilisé par les chirurgiens, l’implantation de deux à trois de ces pinces permet de mieux contrôler les fuites », résume le Dr Donal. En particulier, cas de fuite mitrale primitive, l’efficacité de ces clips implantables a été montrée il y a plus de dix ans, par l’étude Everest.
De même, en cas de fuite mitrale fonctionnelle, de plus en plus d’essais plaident en faveur de l’implantation percutanée de ces clips. Si une première investigation française, baptisée Mitra-FR, n’avait pas trouvé de supériorité de la technique sur le traitement médical, l’essai américain Coapt puis, en septembre 2024, les essais Reshape-2 et Matterhorn, ont finalement confirmé l’intérêt de la réparation percutanée, par rapport au traitement médical ou à la chirurgie. « Et contrairement au Tavi, les clips ont une durabilité infinie : il n’y a pas de dégénérescence ni de risque de reprise, il s’agit réellement d’un traitement à vie », avance le Dr Donal.
Si bien que, dans le traitement des fuites mitrales — primitives comme fonctionnelles —, cette technique percutanée s’est fait une place en routine. D’autant que le traitement est remboursé par l’Assurance-maladie.
Réparations tricuspides difficiles
Cependant, en cas de fuite tricuspide, les réparations percutanées (par les mêmes clips, mais au moyen de systèmes de guidage différents) restent, quant à elles, au stade de recherche. Et pour cause : la population concernée apparaît plus difficile à prendre en charge. « Alors que les fuites mitrales, rapidement symptomatiques, concernent surtout des sujets peu comorbides (même s’ils doivent être contre-indiqués à une chirurgie), les fuites tricuspides concernent en particulier des femmes plus âgées, en fibrillation atriale et présentant des comorbidités diverses », rappelle le Dr Donal.
De plus, la valve tricuspide se révèle plus difficile à visualiser à l’échographie, en lien avec sa position plus antérieure, et plus difficile à aborder par voie percutanée que la valve mitrale. Sa structure s’avère de surcroît plus complexe. « Alors que la valve mitrale est constituée de deux feuillets, l’anatomie de la valve tricuspide se révèle très variable d’un individu un l’autre, avec parfois davantage que trois feuillets, ou diverses indentations de ces feuillets, avec, à l’extrême, un aspect en pâquerette, détaille le Dr Donal. D’où des difficultés pendant la procédure. On peut créer des tensions sur les tissus, avec le risque d’abîmer plus encore la valve tricuspide. »
Cependant, les technologies évoluent. En particulier, des clips de taille différente sont désormais accessibles. « Ces dispositifs médicaux peuvent correspondre à un panel de patients plus larges », se réjouit le Dr Donal.
Une étude française qui pourrait changer la donne
Et la littérature s’étoffe. Ainsi, après l’essai randomisé Triluminate à l’automne dernier, une étude française conduite auprès de 300 patients et présentée au congrès européen de cardiologie, a plaidé nettement en faveur de la réparation percutanée tricuspide. Dans cet essai randomisé baptisé TRI.FR, publié dans le Journal of the American Medical Association (Jama), le traitement par clip améliorait très significativement les symptômes et la qualité de vie des patients à un an.
Reste à montrer un potentiel effet sur la mortalité. « Nous venons d’obtenir le financement pour débuter le suivi au-delà de deux ans, qui permettra sans doute de trancher sur cette question : nous sommes les seuls à pouvoir potentiellement montrer un effet sur la mortalité et les réhospitalisations à l’heure actuelle », se félicite le Dr Donal, qui remercie les investigateurs des 22 centres français participant.
En cas de résultats positifs, après remboursement de la procédure pour les patients atteints de fuite tricuspide, les clips percutanés pour la réparation bord à bord des fuites auriculoventriculaires pourraient entrer dans le traitement de routine des fuites tricuspides. Du moins, dans les grands centres : « la technique semble pour le moment difficilement applicable aux centres ayant des petits volumes du fait de sa difficulté de réalisation », entrevoit le cardiologue.
Quoi qu’il en soit, ce type de procédures pousse plus encore le développement de la pluridisciplinarité. « Ces techniques imposent une collaboration importante entre anesthésistes, imageur, cardiologue interventionnel et chirurgiens », estime le Dr Donal.
Entretien avec le Dr Erwan Donal, cardiologue au CHU de Rennes
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