Du fait de leur relative rareté, les myocardites font l’objet de peu d’études. Des recommandations européennes sont attendues courant 2025. « La prise en charge de ces patients doit être multidisciplinaire, avec des cardiologues, des radiologues spécialisés en IRM cardiaque, des internistes et des généticiens, même s’il s’agit, en apparence, d’une myocardite ne posant pas de problème particulier », résume le Pr Mathieu Kerneis (AP-HP, Pitié-Salpêtrière, Paris).
Grande hétérogénéité
La prévalence de la myocardite n’est pas bien connue. Un pic d’augmentation avait bien été observé au moment du Covid mais ce n’est plus le cas. Sur l’Île-de-France, environ 500 personnes – principalement des hommes de 20 à 40 ans – reçoivent ce diagnostic chaque année.
À la phase initiale, la prise en charge justifie une hospitalisation en soins intensifs, où les patients pourront bénéficier de plusieurs examens à visée diagnostique et étiologique, notamment d’une IRM cardiaque. « Aujourd’hui, le mètre étalon pour poser le diagnostic n’est plus la biopsie du muscle cardiaque mais bien l’IRM cardiaque, pour les formes non sévères. Toutefois, elle ne permet pas de déterminer l’étiologie : un bilan biologique en milieu hospitalier est donc réalisé et, dans de rares cas, une biopsie peut être proposée », souligne le Pr Kerneis.
Si les virus sont le plus souvent en cause, les myocardites dites virales, dans les suites d’une infection, peuvent toutefois être immunomédiés, ou liées à une atteinte des cardiomyocytes. Les autres causes possibles sont représentées par les maladies auto-immunes, les médicaments : vaccins (et pas seulement ceux contre le Covid) ou traitements contre le cancer, notamment les inhibiteurs des points de contrôle du système immunitaire.
« Les modes de présentation sont également variés, ce qui en fait finalement une maladie très hétérogène : certains patients vont présenter des symptômes évocateurs d’un infarctus du myocarde, avec des douleurs dans la poitrine, c’est d’ailleurs la forme la plus fréquente, alors que d’autres arrivent avec un tableau d’insuffisance cardiaque aigu plus grave, voire un choc cardiogénique et/ou des troubles ventriculaires graves pouvant conduire à une mort subite », prévient le Pr Kerneis.
Prise en charge spécialisée
Il n’existe pas de traitement spécifique ayant fait la preuve de sa supériorité dans la myocardite.
Les médicaments le plus souvent employés sont les bêtabloquants pour prévenir les risques de troubles du rythme dans les mois qui suivent, et le traitement de l’insuffisance cardiaque selon les recommandations de la Société européenne de cardiologie, lorsqu’il existe une dysfonction ventriculaire gauche.
Les immunosuppresseurs ou immunomodulateurs sont en cours d’évaluation dans différentes études. « Il n’y a pas aujourd’hui d’arguments pour les recommander, précise le Pr Kerneis, hors cadre étiologique très particulier comme les myocardites à éosinophiles ou liées à certains traitements (inhibiteurs des points de contrôle du système immunitaire), ou encore survenant dans le cadre de maladies auto-immunes qui relèvent de traitements par les corticoïdes. »
Les principales complications sont de trois ordres. La récidive concerne environ 10 % des patients. Les deux autres complications sont relativement rares : troubles du rythme ventriculaire – raison pour laquelle le sport est contre-indiqué pendant six mois après la sortie de l’hôpital et pour laquelle des bêtabloquants sont prescrits – et développement d’une insuffisance cardiaque sans dysfonction ventriculaire gauche.
La survenue d’une complication doit faire évoquer la présence d’une mutation génétique, codant pour des dysplasies arythmogènes ou des cardiomyopathies héréditaires. « Cela justifie de faire un bilan génétique dans les myocardites compliquées ou récidivantes. De même, toute atypie doit faire rechercher une maladie génétique associée. Les patients concernés seront donc impérativement référés dans les centres de référence maladies cardiaques rares », insiste le Pr Kerneis.
On déplore 4 % d’événements graves (mortalité, transplantation) à cinq ans
Sur le plan pronostique, on note en moyenne 4 % d’événements graves à cinq ans (mortalité, transplantation), selon des données en provenance d’un registre italien multicentrique, publié il y a six ans. « Sans dysfonction ventriculaire gauche, la mortalité est inférieure à 2 %, alors qu’elle est de 15 % quand il y en a une. Quant aux myocardites fulminantes avec choc cardiogénique, nécessitant d’emblée une assistance respiratoire, elles sont grevées de 30 % de mortalité. Les virus de la grippe, du Covid ainsi que les entérovirus sont plus souvent pourvoyeurs de myocardites graves », prévient le Pr Kerneis. Les femmes représentent moins de 20 % des cas, mais sont alors souvent atteintes de formes plus sévères.
Entretien avec le Pr Mathieu Kerneis (Paris)

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