DABIGATRAN ET RIVAROXABAN, plus connus sous leur nom commercial, respectivement Pradaxa et Xarelto, sont les deux nouveaux anticoagulants oraux (NOACs en anglais pour new oral anticoagulants) actuellement disponibles en cardiologie dans l’Hexagone. Les deux molécules, le dabigatran étant un inhibiteur direct de la thrombine et le rivaroxaban un inhibiteur du facteur Xa, sont ainsi indiquées en prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC) dans la fibrillation auriculaire (FA) depuis janvier 2008 et mars 2012, et se positionnent en alternative aux ACG antivitamine K (AVK) dont ils se démarquent par l’absence de surveillance biologique nécessaire.
La gestion de leur prescription en pratique vient d’être balisée par des recommandations de la branche rythmologie de la société européenne de cardiologie (ESC). Y sont abordées de façon concrète 15 situations cliniques prévisibles sous ACG, dont nous vous proposons une sélection résumée. Si le risque hémorragique existe bel et bien, avec des accidents potentiellement graves comme avec les AVK, il n’existe pas encore d’antidote spécifique.
Suivi du traitement
L’ESC recommande le port d’une carte d’information uniformisée pour tous les NOACs à destinée des professionnels de santé et en propose un modèle sur son site (www.NOACforAF.eu).
L’éducation du patient doit insister sur l’importance de la prise quotidienne du fait de la demi-vie courte de ces NOACs et de la rapide décroissance de l’effet anticoagulant.
Le rythme de surveillance devrait être programmé à raison d’une visite tous les 3 mois, par un médecin généraliste en ayant l’expérience ou par un spécialiste.
La surveillance de l’hémoglobine, de la fonction hépatique et rénale doit être prévue régulièrement, au moins une fois par an, ou de façon plus rapprochée, tous les 6 mois (clairance de la créatinine entre 30-60 ml/min ou âge›75 ans sous dabigatran) voire tous les 3 mois (clairance de la créatinine 15-30 ml/min).
Mesurer l’effet ACG en situation d’urgence
Si les NOACs n’ont pas besoin de surveillance biologique en routine, « une évaluation quantitative de l’effet anticoagulant peut être nécessaire dans des situations d’urgence », à savoir hémorragie grave, thromboses, chirurgie urgente, etc. Pour interpréter les dosages, il est capital de connaître l’horaire de prise, puisque la concentration maximale est obtenue dans les 3 heures.
En pratique pour le dabigatran, l’effet anticoagulant peut être estimé à l’aide du temps de thrombine (TT) dilué. Ce test a été calibré (Hemoclot) pour cette utilisation spécifique. La valeur de l’Hemoclot ne doit pas excéder› 200 ng/ml 12 heures après la dernière prise. Le temps de céphaline activée (TCA) peut être utilisé également avec une valeur seuil de 2, au-delà de laquelle le risque hémorragique est majoré. Pour l’ECT, un seuil› 3 indique un risque hémorragique mais il n’est pas rapidement disponible. Quant à l’INR, il ne doit pas être utilisé.
Pour le rivaroxaban, les concentrations peuvent être mesurées à l’aide de tests quantitatifs étalonnés anti-facteur Xa et du temps de Quick.
Alimentation
La prise alimentaire ne modifie pas l’absorption du dabigatran, qui peut être pris sans tenir compte des repas. Ce qui n’est pas le cas du rivaroxaban, que l’on recommande de pendre au cours des repas pour une biodisponibilité maximale.
Erreurs de prise
En cas d’oubli, une dose double ne devrait jamais être prise « en rattrapage ». En cas de prise biquotidienne, la dose oubliée doit être prise dans les 6 heures suivantes ; au-delà, il est conseillé de sauter la prise et d’attendre la prochaine prévue. En cas d’une prise unique quotidienne, le patient peut prendre le comprimé oublié dans les 12 heures ; au-delà, il est conseillé de sauter la prise et de reprendre le traitement lors de la prise suivante habituelle.
En cas de double dose, pour un traitement biquotidien, il est conseillé de sauter la prise suivante habituelle (à 12 heures) et de recommencer ensuite (dans 24 heures). En cas de prise unique, il est conseillé de poursuivre le traitement normal sans sauter de prise.
En cas de doute sur la prise, pour un traitement biquotidien, il est conseillé de se contenter d’attendre la prochaine prise dans les 12 heures ; en revanche, en cas de prise unique quotidienne, il est conseillé de prendre un comprimé de suite et de poursuivre comme d’habitude.
Surdosage sans hémorragie.
Si la prise est récente, la prise de charbon activé est recommandée pour une dose standard de 30-50 g pour un adulte. Compte-tenu à la fois de la demi-vie courte des NOACs et de l’absence d’antidote spécifique, l’attitude du « wait and see » prévaut parmi les équipes.
Complications hémorragiques.
Il n’existe pas de recommandations reposant sur des essais cliniques. Les experts distinguent 2 situations cliniques, selon que l’hémorragie menace ou non le pronostic vital.
En cas d’hémorragie ne menaçant pas le pronostic vital, des mesures symptomatiques non spécifiques peuvent être envisagées : hémostase locale, voire compression, remplissage vasculaire, transfusion si nécessaire de concentrés globulaires ou de plaquettes, plasma frais congelé, acide tranexamique voire desmopressine dans certains cas. La normalisation de l’hémostase est attendue dans les 12 à 24 heures.
En cas d’hémorragie menaçant le pronostic vital, toutes les mesures précédentes sont indiquées. Des concentrés de complexes prothrombiniques activés (Feiba) ou du facteur VII recombinant (Novoseven) peuvent être envisagés.
Europace (2013) 15, 625-651.
Des interactions à connaître
- Médicaments contre-indiqués : pour les 2 molécules, antifongiques ( kétoconazole, itraconazole, voriconazole, posaconazole) ; les inhibiteurs de protéase pour le rivaroxaban ; la rifampicine, la carbamazépine, la phénytoïne et le phénobarbital pour le dabigatran).
- Médicaments entraînant une réduction de doses : le vérapamil pour le dabigatran
- Autres facteurs entraînant une réduction de doses : âge ≥75 ans, poids ≤ 60 kg, insuffisance rénale, facteur de risque hémorragique).
- À l’inverse, un inhibiteur de la pompe à protons ( IPP) diminue le risque d’hémorragie digestive.
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