Voilà plusieurs années que les anticoagulants oraux directs ont montré leur intérêt dans la prise en charge de la fibrillation atriale clinique, et plus précisément pour la prévention des AVC causés par cette pathologie. Cependant, dans certains sous-publics d’individus atteints de fibrillation atriale, le rapport bénéfices/risques de ce type de prophylaxie reste à préciser. Ainsi, en 2025, la recherche s’interroge sur la conduite à tenir dans ces populations particulières de patients.
Populations particulières à l’étude
À commencer par les patients atteints de fibrillation atriale encore subclinique, sur lesquels s’était penchée le mois dernier une sous-analyse de l’essai randomisé Artesia. Comme le rappelaient les auteurs de cette investigation, « les personnes avec une fibrillation atriale subclinique ont un surrisque d’AVC, toutefois dans une moindre mesure que ceux avec une fibrillation atriale clinique, d’où un débat concernant le bénéfice d’une anticoagulation chez ces individus ». Les résultats avaient plaidé en faveur de l’apixaban dans cette indication, mais seulement chez les personnes ayant des antécédents d’AVC ou d’AIT.
Fin février, une autre étude, cette fois publiée dans le Lancet, s’intéresse à une autre sous-catégorie de personnes atteintes de fibrillation atriale : les individus présentant en plus des antécédents d’hémorragie intracérébrale (1). Et pour cause. « Environ 25 % des survivants d’hémorragie intracérébrale ont une fibrillation atriale, et étaient pour la plupart anticoagulés au moment de l’évènement », relève la publication. Or, dans cette population — à la fois particulièrement à risque d’AVC ischémique et de nouvelle hémorragie intracérébrale —, le rapport bénéfices/risques exact d’une thromboprophylaxie par anticoagulants oraux directs reste méconnu — ces patients restants globalement exclus des essais cliniques.
Moins d’AVC ischémiques
L’essai de phase 3 multicentrique randomisé Prestige-AF, financé par la commission européenne, a été conduit pour combler cette lacune. 319 adultes ayant une histoire d’hémorragie intracérébrale spontanée, une fibrillation atriale, une indication à une anticoagulation et un score de moins de 4 sur l’échelle de Rankin modifiée ont été recrutés dans plusieurs pays d’Europe, dont la France. Ces patients — dont 65 % d’hommes, de 79 ans d’âge médian — ont été randomisés soit :
— pour recevoir un anticoagulant oral direct (apixaban, dabigatran, edoxaban ou rivaroxaban) ;
— ne pas recevoir ce type de traitement, mais seulement de l’aspirine à 100 mg par jour ;
— ne recevoir aucun traitement, ni anticoagulant, ni antiagrégant plaquettaire.
Ils ont été suivis pendant une durée médiane de 1,4 an.
Les conclusions, présentées dans le Lancet, sont mitigées. D’abord, sans surprise, le traitement apparaissait bel et bien efficace pour prévenir les AVC ischémiques. En effet, le « premier AVC ischémique », qui constituait un des critères de jugements principaux de l’étude, est survenu moins fréquemment dans le groupe anticoagulant que dans le groupe sans anticoagulation (HR = 0,05). De même, le taux d’AVC ischémique total était nettement supérieur dans le groupe témoin (8,6 pour 100 patient-années) que dans le groupe interventionnel (0,83 pour 100 patient-années).
Surrisque d’hémorragies cérébrales
Toutefois, en termes de sécurité, les anticoagulants oraux étaient associés à un surrisque de récidive d’hémorragie cérébrale. En effet, elles étaient bien plus fréquentes dans le groupe interventionnel (5 pour 100 patient-années) que dans le groupe contrôle (0,32 pour 100 patient-année). Si bien que le second critère de jugement principal de l’étude, qui concernait le taux de première récidive d’hémorragie intracérébrale, n’a, lui, pas été rempli.
Au total, ces données ne permettent pas de recommander une thromboprophylaxie par anticoagulants chez les patients atteints de fibrillation atriale ayant des antécédents d’hémorragie cérébrale. Les auteurs considèrent que davantage de preuves sont nécessaires pour optimiser le traitement des AVC dans cette population. D’autant que Prestige-AF comporte certaines limites : population relativement réduite, peu d’évènements, et surtout une méthodologie sans double aveugle.
(1) Roland Veltkamp et al. Direct oral anticoagulants versus no anticoagulation for the prevention of stroke in survivors of intracerebral haemorrhage with atrial fibrillation (Prestige-AF): a multicentre, open-label, randomised, phase 3 trial. Lancet. 2025 Mar 15;405(10482):927-36
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