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Dossier

ACC 2023

La cardiologie interventionnelle au premier plan

Par Dr Maia Bovard Gouffrant - Publié le 17/04/2023
La cardiologie interventionnelle au premier plan


GARO/ PHANIE

Pour son congrès annuel, qui s’est tenu à la Nouvelle-Orléans du 4 au 6 mars, l’American College of Cardiology s’était associé à la World Heart Federation pour un rendez-vous d’envergure mondiale. Au programme, peu de réelles nouveautés sur le plan pharmacologique mais beaucoup de données qui confortent l’intérêt de la cardiologie interventionnelle, que ce soit dans les valvulopathies ou dans l’embolie pulmonaire.

Embolie pulmonaire à haut risque : résultats prometteurs pour la thrombectomie mécanique

Malgré les progrès thérapeutiques, les embolies pulmonaires (EP) massives ou à haut risque sont grevées d’une mortalité supérieure à 25 %. On sait que la thrombolyse pharmacologique s’accompagne d’un surrisque hémorragique important et connaît de nombreuses contre-indications, d’où l’intérêt récemment accru pour des thrombectomies mécaniques par voie percutanée.

L’étude Flame est une étude multicentrique américaine observationnelle qui a comparé, chez des patients atteints d’EP à haut risque, la thrombectomie mécanique avec le système FlowTriever (dispositif permettant l’aspiration in situ du thrombus) aux autres options thérapeutiques – thrombolyse systémique majoritairement, anticoagulation seule, thrombolytiques administrés localement ou thrombectomie chirurgicale. Le choix du traitement a été laissé à l’initiative du médecin. L’étude a été arrêtée prématurément en raison de la supériorité très nette de la thrombectomie percutanée.

Les 115 patients inclus étaient en état de choc, ou à risque élevé du fait d’une PAS < 90 mmHg ou d’une baisse de plus de 40 mmHg pendant au moins 15 minutes, ou après réanimation d’un arrêt cardiaque.

Le critère d’évaluation principal – mortalité toutes causes, recours à une autre alternative d’élimination du thrombus, hémorragies majeures, détérioration de l’état clinique – était très nettement en faveur du bras Flow­Triever avec 17 % d’évènements vs 63,9 % dans le groupe des autres traitements. On constate surtout une faible mortalité hospitalière de 1,9 % après la thrombectomie vs 29,5 % avec les autres alternatives thérapeutiques. La thrombectomie se révélait aussi favorable sur tous les autres critères, avec une forte réduction du risque de saignements majeurs (11,3 % vs 24,6 %). Les évènements indésirables sont moins nombreux avec 1 AVC parmi les 61 patients du groupe thrombectomie vs 4 sur 53 avec les autres traitements.

Cette étude observationnelle ne permet pas de conclure définitivement et des essais randomisés sont nécessaires, mais c’est la première fois depuis des années qu’on obtient une amélioration spectaculaire dans l’EP à haut risque. Ce qui, pour le Dr Mitchell J. Silver (Ohio), « devrait changer radicalement nos stratégies chez ces patients à haut risque, chez lesquels la thrombolyse systémique ne serait plus obligatoirement la référence de première ligne et qui mériteraient de bénéficier rapidement de l’avis de cardiologues interventionnels. » D’autres dispositifs pour la thrombectomie percutanée sont en cours de développement et d’évaluation.

Valvulopathies : le mini-invasif persiste et signe

Côté valvu­lopathies, l’étude internationale Evolut Low Risk confirme le bénéfice au long cours de l’implantation valvulaire par voie percutanée ou TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) chez les patients à faible risque chirurgical avec un nombre de décès et d’AVC invalidants similaire à celui de la chirurgie conventionnelle à trois ans. Les 1 414 participants avaient une sténose aortique symptomatique sévère mais étaient considérés comme à faible risque chirurgical (moins de 3 % de risque de décès dans les 30 jours suivant l’intervention). À trois ans, on relevait 7,4 % d’évènements du critère primaire – mortalité toutes causes ou AVC invalidant – après TAVI vs 10,4 % après chirurgie, une différence non statistiquement significative (p = 0,051). Les évènements du critère secondaire – décès, AVC invalidant, réhospitalisations pour RA – ont été observés dans 13,2 % des cas vs 16,8 % après chirurgie (p = 0,050). Les fuites paravalvulaires étaient plus fréquentes après TAVI – 20,3 % vs 2,5 % – mais légères et sans incidence sur les décès ou les AVC. Dans le groupe TAVI, le taux d’implantation de pacemaker était plus élevé (23,2 % vs 9,1 %, p > 0,001) mais celui de FA de novo moins important (13,1 % vs 40 %). La qualité de vie qui était supérieure dans le groupe TAVI à 30 jours était à trois ans identique dans les deux groupes. « Ces résultats sont rassurants et pourraient amener à élargir les indications actuelles du TAVI à cette population à bas risque chirurgical », indique le Pr John K. Forrest (Connecticut). Mais des données à plus long terme pour les patients à faible risque sont toujours nécessaires et les patients de l’étude seront suivis pendant 10 ans.

Pour sa part, l’essai Coapt montre le bénéfice au long cours d’une réparation mitrale transcathéter ou TEER (Transcatheter Edge-to-Edge Repair) à l’aide d’un Mitra­Clip après cinq ans de suivi chez des insuffisants cardiaques avec fuite mitrale. L’essai a recruté 614 patients aux États-Unis et au Canada avec une insuffisance ventriculaire gauche, une insuffisance cardiaque (IC) symptomatique et une insuffisance mitrale (IM) sévère qui ont été randomisés en traitement médical optimal seul ou associé à une procédure TEER. Les résultats à deux ans avaient montré une réduction de 47 % du risque d’hospitalisation pour IC après TEER par rapport au groupe témoin et une réduction des décès (29 % vs 46 %).

À cinq ans, les évènements du critère primaire – décès ou hospitalisation pour IC – concernent 73,6 % des patients après TEER vs 91,5 %. Le risque de décès toutes causes est réduit de pratiquement 30 % après TEER. À noter que le bénéfice relatif de la TEER est moins marqué dans le temps, les patients du groupe contrôle ayant pu switcher vers le TEER après deux ans. « Ces patients insuffisants cardiaques avec IM bénéficient indubitablement de la réparation mitrale transcathéter et devraient être traités avec MitraClip le plus tôt possible », conclut le Dr Gregg W. Stone (New York). Néanmoins, le nombre de complications reste élevé même après une réparation réussie de la valve mitrale, avec près de trois patients sur quatre décédés ou hospitalisés pour IC dans les cinq ans, le traitement valvulaire n’améliorant pas le dysfonctionnement ventriculaire gauche sous-jacent.

Enfin, pour la tricuspide, dans l’essai international Triluminate, la réparation TEER avec le dispositif TriClip améliore significativement le fonctionnement valvulaire et la qualité de vie mais sans différence en termes de survie ou d’hospitalisation après un an de suivi. Les 350 patients inclus avaient une fuite tricuspide sévère et gardaient des symptômes d’IC malgré le traitement médical ; la plupart souffraient également de FA et/ou d’HTA et ils avaient un risque intermédiaire ou élevé de complications liées à la chirurgie. À 30 jours, l’amélioration fonctionnelle était notable, les fuites tricuspides étaient modérées voire faibles pour 87 % des patients du bras TEER vs 4,8 % pour ceux du groupe témoin. On ne retrouve pas, cependant, de différences significatives entre les deux groupes à un an sur le critère primaire – mortalité globale ou hospitalisations pour IC. « L’augmentation des scores de qualité de vie est notable, ce qui reste particulièrement intéressant chez ces patients lourdement symptomatiques », conclut néanmoins le Dr Paul Sorajja (Minneapolis). Les patients de Triluminate seront suivis pendant cinq ans.

Dyslipidémies, deux nouveaux hypolipémiants

Les statines n’ont plus vraiment grand-chose à prouver mais deux études attirent cependant l’attention : STOP CA, qui souligne leur intérêt dans la prévention des complications cardiaques liées aux anthracyclines, et Loadstar, qui oriente en prévention secondaire vers une prescription personnalisée.

Les patients traités par une chimiothérapie à base d’anthracyclines pour lymphome sont à risque élevé de dysfonction cardiaque et d’IC. Selon l’étude multicentrique randomisée STOP CA, ceux recevant en sus de l’atorvastatine étaient, à 12 mois, moins susceptibles de présenter un dysfonctionnement cardiaque, sans présenter plus d’évènements indésirables.

Chez le patient coronarien, Loadstar a comparé un traitement par statines, soit avec titration jusqu’à atteindre l’objectif de LDL entre 0,50 et 0,70 g/l, soit avec la prescription d’emblée d’une forte posologie afin d’obtenir une réduction du LDL d’au moins 50 %. Après trois ans de traitement, le niveau moyen de LDL est identique dans les deux groupes – autour de 0,69 g/l – et la titration ne se montre pas inférieure au traitement intensif d’emblée sur les évènements CV majeurs.

Toujours en matière de dyslipidémies, un anti-PCSK9 par voie orale, le MK-0616, montre une réduction significative du LDL, des apolipoprotéines B et du cholestérol non-HDL dans un essai de phase 2b, chez des patients à haut risque ou atteints de pathologies cardiovasculaires d’origine athéromateuse avec élévation du LDL. On ne constate pas plus d’évènements secondaires sous placebo et les essais avec le MK-0616 vont se poursuivre. De son côté, l’acide bempédoïque permet de réduire les évènements cardiovasculaires majeurs (11,7 % vs 13,3 % sous placebo) chez les personnes intolérantes aux statines atteintes de pathologies cardiovasculaires ou à haut risque, constituant une alternative aux statines en prévention primaire ou secondaire. On note un peu plus de goutte ou de lithiases biliaires.

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