La technique de prélèvement du greffon veineux dite « no-touch » marque des points dans le pontage aorto-coronarien. En 2024, les médecins dirigés par le Pr Shengshou Hu (hôpital de Fuwai, à Pékin) avaient publié dans la revue Circulation les résultats d’une étude randomisée, l’essai Patency, portant sur 2655 patients, montrant une diminution de moitié du risque d’occlusion du greffon à un an. Dans un nouveau travail paru cette fois dans le BMJ, la même équipe confirme les résultats de l’étude avec un suivi étendu à 3 ans.
Dans les années 1990, des chirurgiens suédois ont développé une méthode de prélèvement de la veine saphène destinée à être utilisée lors d’un pontage aorto-coronarien. Cette technique, dite « no-touch » (sans contact), consiste à prélever la veine en conservant un manchon tissulaire protecteur périvasculaire afin d’éviter toute distension manuelle. Nécessitant un entraînement particulier, cette technique n’est pas pratiquée dans tous les centres de chirurgie cardiaque et n’avait jusqu’à récemment pas été confrontée directement à la technique plus traditionnelle de prélèvement de la veine (stripping avec distension légère) dans une étude de grande taille et bien construite.
Les méthodes traditionnelles de prélèvement veineux impliquent une manipulation mécanique et l’ablation de l’adventice, ce qui exacerbe les lésions endothéliales et le risque d’inflammation, compromettant au passage l’intégrité structurelle et fonctionnelle du greffon. Ces facteurs font le lit de la thrombose et de l’hyperplasie intimale tardive, conduisant à des occlusions précoces et tardives. La méthode « no-touch » n’est pas exempte de reproche non plus, puisqu’elle est associée à un taux plus élevé de complication de plaie à la jambe.
Moins d’événements cardiaques sévères
Dans cette étude, les patients, des hommes dans 78 % des cas, ont été répartis aléatoirement entre un groupe opéré avec un greffon prélevé avec la technique « no-touch » et un groupe opéré avec la technique classique. À trois ans, 5,7 % des patients du groupe « no-touch » présentaient une occlusion du greffon veineux, contre 9 % du groupe contrôle, soit un risque diminué de 48 %.
La technique « no-touch » était également associée à des taux significativement plus faibles d’infarctus non fatal (1,2 % contre 2,7 %), de revascularisation répétée (1,1 % contre 2,2 %), d’angor (6,2 % contre 8,4 %) et de réhospitalisation pour cause cardiaque (7,1 % contre 10,2 %). En revanche, il n’y avait pas de différence significative concernant la mortalité toutes causes ou les événements cardiaques et cérébrovasculaires majeurs.
La technique « no-touch » entraîne une incidence plus faible d’infarctus du myocarde et de revascularisation répétée
L’incidence des complications au niveau de la jambe était plus élevée dans le groupe « no-touch » avant sortie de l’hôpital, comme anticipé par les auteurs : 23,2 % d’engourdissement contre 17,8 % dans le groupe contrôle, 4,3 % d’exsudation contre 1,9 %, 19 % d’œdème, contre 12,9 %, Au bout de 3 mois, 10,3 % des patients ont requis une intervention pour traiter une lésion non résolue à la jambe dans le groupe « no-touch » contre 4,3 % dans le groupe contrôle.
Bien que les greffons artériels, comme l’artère mammaire interne gauche, soient considérés comme le gold standard pour procéder à un pontage coronarien, en raison de leur meilleure perméabilité à long terme, les greffons veineux saphènes restent indispensables et représentent environ 80 % de tous les greffons utilisés. Dans des séries internationales, les taux observés d’occlusion des greffons veineux (10 à 15 % des patients à un an, 13,7 % à trois ans) sont plus élevés que dans l’étude chinoise. Alors que Patency a inclus une population exclusivement chinoise, prise en charge par des équipes hautement qualifiées et surtout relativement jeune (61 ans d’âge moyen), il est possible que ses résultats puissent ne pas complètement correspondre à d’autres nationalités et tranches d’âge.
Les auteurs estiment néanmoins que cette étude fournit « des preuves solides » en faveur de l’utilisation de la technique « no-touch ». « Les taux réduits d’occlusion observés dans le groupe “no-touch” se traduisent par des bénéfices cliniques significatifs, comme en témoignent les incidences plus faibles d’infarctus du myocarde non fatal et de revascularisation répétée », concluent-ils.
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