Adaptation du traitement, fréquence des examens complémentaires, éducation thérapeutique

Le suivi du coronarien stable en ville est un travail de longue haleine

Publié le 05/05/2010
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PAR LE Pr JEAN-MARC LABLANCHE*

LA MALADIE coronaire est une maladie chronique largement répandue en France avec une prévalence d’environ 60 à 100 pour 100 000 habitants et responsable d’environ 46 000 décès par an. Son pronostic s’est considérablement amélioré au cours des dernières années grâce à une meilleure prise en charge.

Quand un coronarien doit il être considéré comme « chronique » ?

La vie du coronarien est marquée par plusieurs épisodes « aigus » entre lesquels il est considéré comme chronique et plusieurs cas peuvent être considérés.

Après un syndrome coronarien aigu (SCA), un patient est considéré comme stable à partir du sixième mois. Ce délai est le même après une revascularisation chirurgicale, bien que l’on manque de données précises à ce sujet. La revascularisation par endoprothèse pose des problèmes différents selon le type de stent utilisé et les complications envisagées : au-delà de 9 mois, le risque de resténose devient très faible, quel que soit le stent. Le risque de thrombose de stent, c’est-à-dire, cliniquement, d’infarctus ou de mort subite, est faible au-delà de 1 à 2 mois pour les stents nus et de 6 à 12 mois pour les stents actifs.

En pratique, 6 mois après un événement aigu, un patient coronarien peut-être considéré comme stable et une monothérapie antiagrégante plaquettaire peut être envisagée.

Quels sont les objectifs de la surveillance ?

Les objectifs sont multiples et ont tous pour objectif d’améliorer la morbimortalité, mais aussi le confort du patient. C’est ainsi que l’on peut définir plusieurs éléments.

• L’évaluation clinique de l’état fonctionnel, c’est-à-dire la classe de l’angor et de la dyspnée, les palpitations ou lipothymies, qui peuvent révéler des troubles du rythme graves. Cette évaluation se fera en précisant l’activité physique du patient – normale ou volontairement restreinte – et conduira à une adaptation des traitements antiangineux.

• La surveillance de l’extension de la maladie athéroscléreuse, en recherchant systématiquement de nouvelles localisations : membres inférieurs, vaisseaux céphaliques ou aorte.

• La maîtrise des facteurs de risque : certains facteurs de risque sont connus dès l’évaluation initiale et ne seront qu’imparfaitement pris en charge et d’autres peuvent apparaître au cours de l’évolution comme le diabète ou l’hypertension.

• La tolérance et l’observance au traitement : la tolérance au traitement n’est pas toujours parfaite et parfois incomprise du patient. Elle peut entraîner une mauvaise observance. Rappelons pour mémoire les effets secondaires les plus fréquemment rencontrés : l’asthénie des bêtabloquants, la toux des IEC, les crampes musculaires des statines et les hémorragies des antiagrégants plaquettaires. Une simple adaptation thérapeutique peut suffire à améliorer la tolérance et par conséquent l’observance.

• L’éducation du patient : ce point est fondamental. De nombreuses études ont démontré que lorsque le patient prenait lui-même en charge sa maladie le pronostic était meilleur. La maladie coronaire, avec ses nombreux facteurs de risque et sa prise en charge thérapeutique souvent lourde, est un excellent exemple de maladie chronique nécessitant une bonne coopération du patient. Pour cela un contact régulier et fréquent avec le patient est nécessaire et chaque contact doit être l’occasion de délivrer un message éducatif sur la maladie et sa prise en charge.

• La recherche d’une comorbidité qui pourra modifier la prise en charge classique et nécessitera des adaptations thérapeutiques. Parmi les plus fréquentes, signalons les gestes invasifs digestifs, les biopsies prostatiques et les infiltrations articulaires.

Les examens paracliniques sont-ils utiles ?

Les examens paracliniques à la disposition du cardiologue sont très nombreux et leur prescription doit répondre à différents critères.

• L’examen est-il susceptible de modifier la prise en charge ? C’est l’élément le plus important. Le diagnostic de maladie coronaire est déjà posé et les examens paracliniques ont pour objectif d’évaluer l’évolution de la maladie avec pour arrière-pensée une nouvelle coronarographie. Ainsi, pour un patient non revascularisable, une surveillance clinique est suffisante, inversement un patient porteur d’une lésion de près de 50 % du tronc coronaire gauche va nécessiter une surveillance rapprochée.

• L’examen a-t-il déjà été pratiqué et dans quelles conditions ? En effet, les examens paracliniques explorent souvent une conséquence de l’ischémie et ne sont pas interchangeables. Il est donc préférable pour un patient donné de choisir un examen et de le répéter à intervalle régulier dans les mêmes conditions thérapeutiques.

• Est-ce l’examen le plus indiqué ? Les examens faussement positifs dans le passé doivent être abandonnés ou utilisés avec circonspection s’ils sont les seuls utilisables.

Quels sont les examens les plus utilisés et avec quelle fréquence ?

La Haute Autorité de santé (HAS) a défini dans son guide consacré à la maladie coronarienne publié en 2007 un certain nombre de recommandations.

• Le patient doit consulter son médecin généraliste tous les trois mois et son cardiologue tous les ans.

• L’ECG de repos est effectué tous les ans

• Le bilan biologique est annuel et comprend : glycémie, évaluation d’une anomalie lipidique, créatinine.

• L’épreuve d’effort est l’examen clé de la surveillance, il est proposé tous les ans. La réalisation du test peut se faire avec ou sans traitement, mais toujours dans les mêmes conditions, afin d’être comparatif. Je conseillerais pour ma part une interruption du traitement bêtabloquant courte, de 24 heures, pour permettre d’atteindre une fréquence cardiaque suffisante.

• La scintigraphie de perfusion est proposée chez les patients ne pouvant pas réaliser de test d’effort ou en complément de celui-ci à visée pronostique. Ce test est irradiant et l’intervalle conseillé est de trois ans entre deux évaluations.

• L’échocardiographie de stress est une alternative à la scintigraphie, proposée lorsque le test d’effort ne peut être réalisé.

• L’échocardiographie simple n’a pas d’indication propre dans l’insuffisance coronarienne, mais elle est utile pour apprécier la fonction ventriculaire gauche si elle n’a pas été évaluée par ailleurs.

Le holter ECG n’a d’indication que pour la recherche des troubles du rythme.

Doit-on répéter la coronarographie ?

C’est la question à laquelle doit répondre l’ensemble du bilan entrepris. La question préalable est évidente : la coronarographie va-t-elle permettre une revascularisation ? C’est ainsi qu’un patient connu comme non revascularisable ou refusant un geste de revascularisation ne doit pas être coronarographié. La question suivante est : existe-il des signes d’aggravation significatifs ? Il est en fait très souvent difficile de répondre à cette question apparemment simple. On s’appuie pour cela sur l’état fonctionnel du patient et les signes objectifs recueillis au cours des examens paracliniques : modification de l’ECG de repos ou d’effort et, notamment, la baisse de la durée de l’effort qui est un excellent signe pronostique, extension de plus de deux segments de l’ischémie à la scintigraphie ou à l’échocardiographie de stress, l’apparition de troubles du rythme graves.

* Hôpital Cardiologique, Université de Lille 2.

Le Quotidien du Mdecin

Source : Bilan spécialistes