POUR MESURER l’apport de cette étude, il n’est pas inutile de rappeler que l’insuffisance cardiaque (IC) est une pathologie courante, touchant de 2 à 3 % de la population des pays industrialisés (plus de 15 millions d’Européens), un pourcentage qui ne peut que croître avec le vieillissement de la population.
Par ailleurs, malgré les progrès importants de la prise en charge (diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IEC] ou antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II [ARA II], bêtabloquants, antagonistes de l’aldostérone), la mortalité et la morbidité restent élevées. La moitié des malades décèdent dans les quatre années qui suivent le diagnostic et dans les deux ans qui suivent la première hospitalisation. Le service médical rendu est donc encore insatisfaisant, d’où le besoin de nouvelles thérapeutiques, notamment pour réduire exclusivement la fréquence cardiaque (FC) au repos. En effet, une FC au repos élevée et une augmentation de la mortalité cardiovasculaire sont fortement corrélées, le bénéfice des bêtabloquants étant, en partie, relié à la réduction de la FC « mais, comme l’a souligné le Pr K. Swedberg (Suède), on ne peut les utiliser aux posologies optimales que chez une minorité de patients, en raison de leurs effets indésirables ». D’où l’intérêt d’une molécule comme l’ivabradine (Procoralan) qui inhibe spécifiquement le courant If régulant l’activité pacemaker des cellules du nœud sinusal, sans agir sur les autres canaux ioniques myocardiques ou récepteurs, si bien qu’elle est dépourvue de la plupart des effets indésirables des bêtabloquants.
L’étude SHIFT avait pour objectif de valider cette approche et de montrer qu’en ajoutant Procoralan aux traitements recommandés (y compris des bêtabloquants), on réduit la morbimortalité liée à l’IC.
Une grande étude internationale.
SHIFT est une grande étude internationale réalisée par 677 centres, répartis dans 37 pays. Elle a inclus 6 558 patients recevant déjà un traitement optimal de l’IC, qui, après randomisation, ont reçu, en plus, soit de l’ivabradine, soit un placebo. Tous ces patients souffraient d’une IC symptomatique avec une fraction d’éjection inférieure ou égale à 35 % et une FC supérieure ou égale à 70 battements par minute (bpm).
La posologie d’ivabradine préconisée était de 7,5 mg deux fois par jour au terme d’une période de titration, la posologie effective étant décidée en fonction des réactions de chaque patient (70 % des patients ont atteint 7,5 mg deux fois par jour).
Les patients inclus (des hommes dans plus de trois quarts des cas) étaient âgés de 60 ans en moyenne et leur IC, d’origine ischémique dans plus de deux tiers des cas, évoluait depuis 3,5 ans. Il y avait autant de classes III-IV (51 %) que de classe II (49 %) et la fraction d’éjection médiane était de 29 %. La FC était de 80 bpm en moyenne, dans les deux groupes.
Des résultats très démonstratifs.
Au terme d’un suivi médian de 22,9 mois, la FC était passée à 67 bpm dans le groupe ivabradine alors qu’elle était restée à 75 bpm dans le groupe placebo. Surtout, l’efficacité était indiscutable sur le critère principal qui associe la mortalité cardio-vasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque : - 18 % (intervalle de confiance à 95 % [IC] = 0,75-0,90 ; p < 0,0001). Un résultat qui s’explique essentiellement par des diminutions significatives des hospitalisations pour IC (- 26 % ; IC : 0,66-0,83 ; p < 0,0001) et des décès liés à l’insuffisance cardiaque (- 26 % ; 0,58-0,94 ; p = 0,014).
L’efficacité de l’ivabradine a été constatée dans tous les sous-groupes analysés, avec un effet d’autant plus important que la FC de repos à l’inclusion était élevée.
Une bonne tolérance.
Les effets indésirables imputables au traitement ont été plutôt moins fréquents dans le groupe ivabradine que dans le groupe placebo, globalement. Seules les bradycardies symptomatiques (5 % contre 1 %) ou non (6 % contre 1 %) ont été plus fréquentes mais elles n’ont conduit à l’arrêt du traitement que chez 1 % des malades. On retrouve également des phosphènes (3 % contre 1 %) classiquement décrits avec l’ivabradine, ce trouble visuel rare étant parfois gênant mais non grave et totalement régressif.
Un événement.
In fine, l’ampleur des résultats de l’étude SHIFT a impressionné beaucoup de cardiologues présents à Stockholm, d’autant qu’ils sont quotidiennement confrontés au difficile problème du maniement des posologies de bêtabloquants chez l’insuffisant cardiaque. Nul doute qu’on parlera beaucoup de fréquence cardiaque lors des prochains congrès de cardiologie (voir encadré).
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