Alors que tous les signaux étaient positifs, notamment les études en vie réelle de la CNAMTS, de l’ANSM et de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, le dabigatran inhibiteur direct de la thrombine commercialisé par le laboratoire Boeringher Ingelheim sous le nom de Pradaxa, voit son « service médical rendu » (SMR) abaissé.
Dans le cadre de la procédure de réévaluation quinquennale, la Commission de Transparence vient de conclure à un SMR « modéré » qui place cet anticoagulant oral direct (AOD) ou « nouveau anticoagulant » (NACO) dans une position différente des autres AOD, Xarelto et Eliquis. Concernant la place de ces médicaments dans la stratégie de prévention des événements vasculaires, la Commission de la transparence considère qu’ils doivent, dans l’état actuel des connaissances, être prescrits en deuxième intention, compte tenu de l’absence d’antidote (avec néanmoins des produits en cours de développement) et de l’absence de possibilité de mesurer en pratique courante le niveau d’anticoagulation.
Climat de suspicion
Au sein du laboratoire Boehringer, c’est l’incompréhension. Le Dr Thomas Borel (Directeur Affaires Publiques & Communication des Laboratoires Boehringer Ingelheim) ne s’explique pas cette décision : « Nous sommes extrêmement étonnés de cet avis, et pour le moins, perplexes. C’est le résultat d’un climat de suspicion, très médiatisé, qui entoure le produit. Les principales études publiées ont confirmé un rapport bénéfice risque favorable de Pradaxa par rapport à la warfarine. Il n’y a aucune donnée nouvelle qui justifie la modification du SMR de Pradaxa, alors que l’ensemble des traitements anticoagulants (AVK et AOD) ont un SMR important. Au contraire, les études menées dans la vraie vie étaient rassurantes ».
En octobre, la Food and Drug Administration a publié une étude effectuée sur la base de données d’assurance de santé Medicare, qui confirme le profil de tolérance et d’efficacité favorable du produit, en cohérence avec les résultats de l’étude d’enregistrement RE-LY2. En juillet dernier, l’ANSM et la CNAMTS confirmaient elles aussi le rapport bénéfice/risque favorable des AOD, en analysant les bases de données de l’Assurance-maladie (SNIIRAM) et les données d’hospitalisation du PMSI.
Que reproche-t-on au produit ?
Plusieurs points sont soulignés dans ce dernier avis de la commission de transparence. L’étude princeps RELY a montré un nombre absolu de syndrome coronaire aigu plus élevé dans les groupes assignés au dabigatran (2 dosages) par rapport à la warfarine, mais la différence était non statistiquement significative. Il n’a pas été observé de surrisque de SCA dans les études post-marketing. Les données de pharmacovigilance en France, comme à l’international, ne montrent pas non plus de signal vers un surcroît d’infarctus chez les patients recevant le dabigatran. Un élément qui était donc connu de longue date et qui n’avait pas entravé le premier SMR.
Autre élément d’incompréhension : la conception de l’étude RELY réalisée en semi-ouvert selon un design Probe, un élément différenciant d’avec les autres AOD mais qui est aussi très ancien.
Quant au risque d’hémorragies majeures et intracrâniennes, il est moindre par rapport à la warfarine, explique le Dr Borel et si l’on respecte les conditions d’utilisation mentionnées dans le RCP, il n’y a pas de sur risque associe a l’utilisation de Pradaxa.
Un moindre remboursement
Le SMR « important » rétrogradé à « modéré » conduit de facto à un taux de remboursement moindre, passant de 65 % à 30 %. Les conséquences de cette variation sont minorées par le fait qu’une majorité de patients traités par Pradaxa en prévention d’un accident vasculaire cérébral est en ALD et pris en charge à 100 %. L’avis de la Commission en revanche va peser sur un marché très concurrentiel.
Le laboratoire va demander un réexamen de cet avis et se réserve, si nécessaire, la possibilité d’utiliser tous les moyens légaux pour éviter qu’il puisse avoir des conséquences sur le remboursement de Pradaxa.
Boehringer Ingelheim, confiant dans le bénéfice que sa spécialité apporte aux patients, poursuit le programme de développement clinique international de Pradaxa (RE-SPECT ESUS, RE-DUAL PCI, Gloria, RE-CIRCUIT), mais aussi le développement d’un agent de réversion de ses effets anticoagulants, actuellement évalué dans le cadre d’une étude de phase 3.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024