LA BITHÉRAPIE antiplaquettaire par aspirine-clopidogrel est depuis de nombreuses années le traitement de référence après syndrome coronaire aigu et après pose de stent. Malgré l’efficacité de cette approche, qui permet de réduire d’environ 80 % le risque de thrombose de stent, les récidives ischémiques restent fréquentes. Parmi les hypothèses étiologiques avancées : la mauvaise réponse biologique au clopidogrel. « Si environ 50 % des patients ont une réponse biologique satisfaisante au clopidogrel, 25 % sont mauvais répondeurs ou résistants et, à l’opposé, il existe des patients chez lesquels le traitement marche plutôt trop bien », rappelle le Dr Thomas Cuisset. Cette variabilité dans la réponse biologique au clopidogrel, qui découle de facteurs génétiques (mutation CYP2C19*2), d’interactions médicamenteuses, du poids, de l’existence d’un diabète, de l’âge, etc., a pu être reliée au pronostic. Ainsi, les mauvais répondeurs ont un pronostic moins favorable, avec un nombre plus élevé d’accidents, de récidives ischémiques et de thromboses, témoignant du réel impact clinique de la variabilité de la réponse. Ces constats ont conduit à proposer une augmentation des doses de clopidogrel et à individualiser le traitement sur la base de tests fonctionnels plaquettaires. Les études GRAVITAS et, plus récemment, RECLOSE 2 n’ont pas permis de démontrer les bénéfices de cette approche, et les espoirs se fondent désormais sur les nouveaux antiplaquettaires, le prasugrel, une thiénopyridine de troisième génération, et le ticagrelor, inhibiteur direct du récepteur P2Y12. Comparativement au clopidogrel, ces molécules entraînent une meilleure inhibition plaquettaire, avec une moindre variabilité dans la réponse, mais la réduction des complications ischémiques rapportée dans les études se fait au prix d’une augmentation des complications hémorragiques.
Ce qui, bien sûr, amène à raisonner sur la base de l’analyse du rapport bénéfice/risque, et à réserver ces nouveaux antiplaquettaires aux patients les plus à risque sur le plan ischémique. « En France, nous disposons du prasugrel et les données du registre commun mené avec les équipes du Pr Gilles Montalescot (groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière) et du Dr Guillaume Cayla (Nîmes) mettent en évidence, sur 500 patients, une réponse homogène au traitement avec environ 5 % de mauvais répondeurs avec les différents tests plaquettaires utilisés », rapporte le Dr Cuisset.
Le ticagrelor devrait être mis à notre disposition à la fin de l’année ; il s’agit d’une nouvelle famille d’antiagrégants plaquettaires, de mécanisme d’action différent, ce qui élargira encore l’éventail thérapeutique. Mais l’augmentation du nombre de molécules à disposition rend bien évidemment plus complexe la rédaction de protocoles thérapeutiques.
Pour guider le choix, le paramètre majeur est le niveau de risque ischémique et hémorragique. Il faut ensuite tenir compte des données colligées dans les études PLATO et TRITON, notamment dans les analyses de sous-groupes de patients. Le ticagrelor apparaît ainsi particulièrement adapté aux patients pontés, aux insuffisants rénaux et à la prise en charge médicale du syndrome coronaire aigu, tandis que le prasugrel a tout son intérêt en cas d’infarctus et chez les patients diabétiques. Enfin, le nombre de prises quotidiennes est un critère important. Le ticagrelor nécessite deux prises par jour, ce qui a des avantages (une réversibilité plus rapide), mais aussi des inconvénients, puisque les conséquences sont potentiellement plus graves en cas d’oubli de prise.
Quant à la durée de la bithérapie antiplaquettaire, elle doit être au minimum de 6 semaines après pose d’un stent nu et de 6 mois après pose d’un stent actif. Et lorsqu’un geste opératoire nécessitant l’arrêt du traitement antiplaquettaire doit être réalisé dans la période à risque, l’interruption doit être de 3 jours pour l’aspirine, de 5 jours pour le clopidogrel et le ticagrelor et de 7 jours pour le prasugrel.
Le risque hémorragique et l’observance mieux pris en compte.
Depuis 5 ou 6 ans, il y a une réelle prise de conscience du risque hémorragique, qui est de mieux en mieux pris en compte par les médecins lors du choix des molécules. L’observance, c’est-à-dire l’adhésion au traitement, est également un enjeu majeur : il faut que le patient prenne correctement son traitement, ce qui souligne l’importance de l’éducation thérapeutique. Cette dernière n’est pas valorisée, pas cotée, mais elle permet pourtant de sauver des vies. « Nous avons développé des outils dans le service : une consultation spécifique avant la sortie du patient afin de lui expliquer les enjeux du traitement, un questionnaire de qualité de vie, une carte de porteur de stent, ainsi que l’envoi de SMS au patient », conclut le Dr Cuisset.
D’après un entretien avec le Dr Thomas Cuisset, service de cardiologie, hôpital de la Timone, Marseille.
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