PLUS D’UN TIERS des patients atteints de maladie de Steinert décède de mort subite. Comment les éviter ? Une équipe française (Karim Wahbi, Denis Duboc et son équipe ; AP-HP, INSERM, Universités Paris Diderot, Pierre et Marie Curie et Paris descartes) vient d’apporter la preuve du bénéfice sur la mortalité d’une stratégie invasive (SI) en cas de troubles majeurs de la conduction à l’ECG. Elle consiste à réaliser un enregistrement électrophysiologique systématique et pose prophylactique d’un stimulateur cardiaque si l’intervalle HV est supérieur à 70 msec. Les chercheurs français ont comparé cette stratégie à une attitude plus attentiste (SNI : stratégie non invasive), où la décision de l’enregistrement est laissée à la discrétion du cardiologue. Pour ce travail, les chercheurs français ont utilisé le registre DM1 constitué de 951 patients consécutifs suivis à l’institut de myologie de la Pitié-Salpêtrière entre janvier 2000 et décembre 2009.
La maladie de Steinert, appelée aussi myotonie dystrophique de type 1 (DM1), est la plus fréquente des maladies neuromusculaires héréditaires. Cette maladie génétique autosomale dominante se manifeste par une faiblesse musculaire, une myotonie, des troubles endocriniens divers, une insuffisance respiratoire et des troubles cardiaques. La progression des troubles de la conduction vers un bloc complet atrioventriculaire est la cause présumée des morts subites. C’est pourquoi l’American College of Cardiology et l’American Heart Association ont recommandé la pose d’un pacemaker en cas de bloc atrioventriculaire complet ou de bloc de 3e degré avancé, ou de manière prophylactique chez les patients présentant un bloc atrioventriculaire de 1er degré ou un bloc fasciculaire.
Deux sondes dans le cœur
Comme la valeur prédictive de l’ECG n’est pas très fiable (12 %), un enregistrement électrophysiologique a été proposé pour améliorer la sélection des patients candidats à un stimulateur cardiaque. Cet examen était réalisé dans l’étude de façon standard par cathétérisme fémoral. Deux sondes étaient ainsi placées dans les cavités cardiaques droites, l’une dans l’oreillette, l’autre dans le ventricule, afin de mesurer l’intervalle HV. Une tachyarythmie ventriculaire était classée comme prolongée en cas de durée› 30 secondes ou d’hémodynamique instable Quand la mise en place d’un défibrillateur implantable n’était pas suivie par la libération d’un ou plusieurs chocs, le dispositif était considéré comme prophylactique.
Sur les 486 sujets ayant des troubles majeurs de la conduction infranodale (espace PR› 200 msec, QRS ›100 msec, ou les deux), 341 (70,2 %) ont été traités par SI et 145 (29,8 %) par SNI. L’enregistrement physiologique a retrouvé un intervalle HV anormal chez 164 patients et une tachyarythmie ventriculaire prolongée a été provoquée chez 70 d’entre eux. Des stimulateurs cardiaques ont été posés chez 150 patients (44,0 %) et des défibrillateurs implantables chez 14 sujets (4,1 %). De plus, différents antiarythmiques (amiodarone, bêtabloquants) ont été administrés chez 49 patients (14,3 %).
Stimulateur ou défibrillateur
Au cours d’un suivi médian de 7,4 ans, 50 patients sont décédés dans le groupe SI et 30 dans l’autre. La survie était plus importante dans le groupe SI, de 47 à 61 % selon la méthode statistique d’ajustement utilisée. Cette différence de mortalité était largement attribuable à une moindre survenue de morts subites, puisque 10 décès sont de ce type sont survenus dans le groupe SI et 16 dans le groupe SNI, ce qui correspond à risque supérieur de 24 à 28 % selon la méthode statistique utilisée.
Les mécanismes potentiellement responsables de mort subite, à savoir arrythmies ventriculaires, embolie pulmonaire, insuffisance respiratoire et asystolie, sont difficiles à déterminer. La moindre incidence de mort subite dans le groupe SI suggère néanmoins que les troubles de la conduction est une cause majeure de mort subite, qui pourrait être évitée par la mise en place d’un pacemaker. L’échantillon de bonne taille et le choix de la mortalité toute cause, les deux principales forces de l’étude, donnent du poids aux conclusions de l’équipe française. Compte-tenu de l’enjeu vital, les auteurs insistent sur la nécessité de confirmer les bénéfices d’une stratégie invasive et de préciser la place des antiarythmiques et des défibrillateurs implantables.
JAMA du 28 mars 2012;307(12):1292-1301.
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