Promue par l'AP-HP et financée par un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national, l’étude RIPORT a été coordonnée par l'équipe du centre de référence des maladies vasculaires du foie, en particulier par la Dr Aurélie Plessier (CHU Beaujon, Université Paris Cité et Inserm UMR 1 149). Cet essai teste le bénéfice/risque du rivaroxaban, par rapport à l’absence d’anticoagulant, en prévention de la récidive d’évènements thromboemboliques ou de décès. Il a été mené chez 111 patients ayant un antécédent de TVP, non cirrhotique et sans facteur de risque majeur de thrombose. Ceux-ci ont été inclus entre janvier 2015 et janvier 2020, par huit centres français ayant une expérience dans la prise en charge des maladies vasculaires du foie.
Chez ces patients, le temps médian entre l'antécédent de TVP et l'inclusion est de 1,7 an (0,9-5,3 ans). Cet antécédent de TVP était la plupart du temps lié à une hypertension portale ou à une cholangiopathie. Les patients présentaient plus d'une fois sur deux des collatérales portosystémiques (53 %), dans près d'un tiers des cas des varices œsophagiennes (29 %) et près d'une fois sur dix des varices gastriques (9 %). Globalement, ils sont largement représentatifs d'une population ayant une TVP non cirrhotique, à l'exception de leur âge (légèrement plus jeune qu'attendu). La moitié est à bas risque thrombotique à l'inclusion.
Au total, 90 % des sujets avaient été mis plus de six mois sous anticoagulants après leur TVP. Leur temps médian sous anticoagulant avant l'inclusion est de 16 mois (9 à 38 mois), avec un INR médian à 2,3 (1,7-2,8).
A l'inclusion, près des trois quarts (74 %) étaient encore sous anticoagulants (dont 90 % sous antivitamine K). Tous ces patients, précédemment anticoagulés ou pas, ont été randomisés dans les bras rivaroxaban versus aucun anticoagulant. Cette étude n'a pas pu être réalisée en aveugle (pour des raisons financières), mais les évènements ont été adjudiqués de manière centralisée en aveugle. Le critère principal est la survie sans TVP à deux ans. Les critères secondaires portent sur les thromboses et les évènements hémorragiques majeurs.
À un an, aucune thrombose sous rivaroxaban
Au terme d'un suivi médian de 11,8 mois, aucun des patients sous rivaroxaban n’avait développé de TVP. Par contre, dans le bras contrôle sans anticoagulant, dix patients ont déclaré une TVP(dont neuf TVP symptomatiques), soit un taux de TVP proche de 20 % patients années en l’absence de prophylaxie anticoagulante. Aucun décès n'est à déplorer dans les deux bras. De plus, aucune augmentation des hémorragies majeures n’a été observée.
Parmi les dix patients ayant développé une TVP, 90 % avaient été sous anticoagulant avant l'essai, avec une durée médiane de traitement de 49 mois (20-88). Parmi les 46 patients du bras contrôle n'ayant pas développé de TVP, ils sont 74 % à avoir reçu un traitement anticoagulant avant l'entrée dans l'essai (temps médian de traitement de 14 mois [8-45]). En pratique, « si l'on se réfère à cet essai, il suffit de traiter cinq patients par rivaroxaban pour éviter une récurrence de TVP dans ce type de population », commentent les auteurs.
À près de deux ans, une hausse des récidives de TVP sans anticoagulant
Au regard du bénéfice observé après l'analyse intermédiaire à 12 mois, une anticoagulation a été proposée à tous les patients. Le temps médian de suivi de ces patients était de 21 mois (20-22,4 mois) durant cette seconde période. Parmi les 55 patients du bras rivaroxaban, 46 ont continué le rivaroxaban, quatre ont switché vers un autre anticoagulant et cinq ont arrêté tout traitement anticoagulant. Parmi les 56 patients du bras sans anticoagulant, 32 sont passés sous rivaroxaban (29 à 15 mg/jour et 3 à 30 mg/jour) , 17 ont pris un autre anticoagulant et sept n'ont pris aucun traitement anticoagulant. Au cours de cette seconde période, trois patients non traités par anticoagulants ont fait une thrombose. Un patient sous antivitamine K a aussi déclaré une TVP, associée à un abcès hépatique.
Sur l'ensemble de l'étude (les deux périodes), les récidives de TVP ont été plus fréquentes en absence de traitement anticoagulant (16 % versus 0,4 % personnes années), soit 37 fois plus de TVP en absence de prophylaxie anticoagulante. Seulement trois saignements majeurs ont été déplorés : deux sous rivaroxaban et un en absence d'anticoagulant. « Même si ces résultats restent à confirmer dans un plus vaste essai, ils plaident pour une anticoagulation prophylactique plus systématique de ces patients », résument les auteurs.
Des facteurs de risque de récidive ?
Aucun des facteurs mesurés à l'inclusion, y compris les facteurs thrombophiles, n'est lié à la récidive. Seuls les D dimères, à un taux d’au moins 500 ng/ml à un mois après l'arrêt de l'anticoagulant, sont associés à la récidive, avec une valeur prédictive positive de 37 % et négative de 94 %.
(1) Plessier A et al. Rivaroxaban prophylaxis in noncirrhotic portal vein thrombosis. NEJM Evid 2022; 1 (12). doi: 10.1056/EVIDoa2200104
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