LE PR MICHEL DESNOS (HEGP, Paris), insiste sur la gravité de l’insuffisance cardiaque qui, avec une mortalité de 50 % à cinq ans, a un pronostic plus sombre que celui de nombreux cancers. « Une donnée d’autant plus inquiétante qu’un sujet de plus de 40 ans sur 5 va développer une insuffisance cardiaque, chiffre multiplié par 2 s’il est hypertendu. »
Avec 3,5 millions de consultations chez le cardiologue par an (Dr Maxime Guenoun, Marseille), et un quart des causes d’hospitalisation dans les hôpitaux généraux (Dr Patrick Jourdain,CH Pontoise). C’est dire s’il s’agit d’une pathologie fréquente et coûteuse, les hospitalisations représentant plus des 2/3 des dépenses générées par l’IC. La diminution du nombre des réhospitalisations est donc une priorité bien sûr, au plan médical mais aussi au plan économique.
Une amélioration à compléter.
Or plusieurs enquêtes montrent que si la prise en charge de l’insuffisance cardiaque s’est sensiblement améliorée au cours des dernières années, des progrès restent nécessaires.
Ainsi, l’enquête effectuée en 2009 par l’Observatoire français de l’IC aiguë sur 1 830 hospitalisations enregistrées au cours d’une seule journée (170 centres), 45 % sont des réhospitalisations. Ces hospitalisations sont longues (douze jours) et grevées d’une mortalité intra-hospitalière élevée (8,7 %).
Si la prise en charge médicamenteuse a progressé au cours de la dernière décennie (75 % sont sous IEC ou ARA II et 66 % reçoivent des bêta bloquants), 25 % des patients sortent de l’hôpital avec une IC non parfaitement stabilisée ; ainsi, la moitié d’entre eux sont une fréquence cardiaque supérieure à 70 bpm et un quart sont au-dessus de 80 bpm.
Une série d’enquêtes effectuées en cardiologie libérale, entre 2004 et 2007 (Impact Reco I,II, et III) montre que si le pourcentage de patients recevant les différents médicaments de l’IC progresse nettement, trop peu d’entre eux parviennent aux doses recommandées. Un constat qui s’applique tout particulièrement aux bêtabloquants : 26 % des patients seulement bénéficient des doses recommandées en 2007 (Dr P. de Groote, Lille). La sous-utilisation de ces médicaments s’explique par leur utilisation délicate chez l’insuffisant cardiaque, en raison du risque d’hypotension et de l’asthénie majorée par le traitement, une asthénie qui altère fortement la qualité de vie des patients ( Dr M. Guenoun). Ce n’est donc pas l’inertie du médecin qui peut expliquer à elle seule le recul de l’utilisation des bêtabloquants après la sortie de l’hôpital (on passe de 33 à 25 %).
Les enseignements de Shift.
L’étude Shift devrait contribuer à améliorer les choses en montrant que l’adjonction d’ivabradine (Procoralan) à un traitement optimal (91 % des patients recevaient un IEC ou un ARA II, 90 % un bêtabloquant, 25 % à dose optimale et 58 % à demi-dose), réduisait de 18 % le risque de mortalité cardiovasculaire et d’hospitalisation pour IC ( critère principal) chez les insuffisants cardiaques (classes NYHA II à IV), avec une fraction d’éjection du ventricule gauche ≤ 35 %, en rythme sinusal et dont la fréquence cardiaque reste supérieure à 70 bpm.
Comme le souligne le Pr Michel Komajda, coordinateur de Shift, le bénéfice est encore plus significatif chez les patients les plus « rapides » (bpm ≥ 75), qui représentent les deux tiers des malades inclus, la réduction du critère principal atteint 24 % ( p ‹ 0,0001) et on enregistre, en outre, une réduction de la mortalité globale (- 17 %, p = 0,0109) et cardiovasculaire (- 17 %, p = 0,0166). Ce qui a conduit l’agence européenne à privilégier cette indication.
Si l’on ajoute à cela une bonne tolérance (le seul effet indésirable significatif étant des phosphènes le plus souvent transitoires), en particulier au plan rythmologique (même si une précaution d’emploi est de mise en association avec d’autres bradycardisants), l’ivabradine (Procoralan) permettra de ralentir la FC des patients intolérants ou ne pouvant pas bénéficier des doses optimales de bêtabloquants. Un effet bradycardisant pur dont Shift a montré toute la relevance clinique.
Mieux coordonner la prise en charge.
Mais un tel objectif ne pourra être pleinement atteint que si l’on améliore la coordination des soins des insuffisants cardiaques, tout particulièrement après une hospitalisation : suivi cardiologique plus standardisé, sensibilisation des généralistes, éducation thérapeutique des patients et, idéalement, existence d’un véritable réseau liant l’hôpital et tous les acteurs des soins ambulatoires.
(1) Vidéotransmission nationale organisée par les Laboratoires Biopharma.
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