PAR Dr CHRISTOPHE MEUNE*
EN 10 ANS seulement, les cliniciens ont vu les troponines (Tn) s’imposer comme la référence des marqueurs de l’ischémie myocardique, occuper une place centrale dans le diagnostic d’infarctus du myocarde (IDM), être recommandées par toutes les sociétés savantes, puis être remplacées par les Tn dites « de haute sensibilité ».
Quelques points importants méritent d’être précisés d’emblée :
– Il ne s’agit pas d’un nouveau marqueur mais bien d’une méthode « très sensible » de dosage. Le clinicien et le biologiste mesurent toujours une concentration de Tn. L’élévation de la Tn est spécifique de la souffrance des cardiomyocytes mais n’a jamais été spécifique de l’IDM par occlusion coronaire.
– Il existe plusieurs appellations : Tn hypersensibles (Tn Hs), nanosensibles, de haute sensibilité. Le point commun est de mesurer des concentrations très faibles avec une très faible imprécision.
– Les Tn pour pouvoir être qualifiées de hypersensibles doivent permettre de mesurer le 99e percentile (concentration maximale chez 99 % d’une population dite saine) avec une imprécision de moins de 10 %, et 50 % d’une population saine doit avoir une concentration de Tn Hs détectable.
– Il n’existe aucune standardisation entre les valeurs de TnI et TnT ainsi qu’entre les différentes valeurs de TnI. La TnT Hs (Roche Diagnostics) a bien les qualités requises pour l’appellation hypersensible ; seulement certaines TnI satisfont à ces critères.
– De nombreuses études scientifiques ont validé l’utilisation de la TnT Hs. Les données concernant les autres Tn Hs sont beaucoup plus limitées ; le principe d’utilisation est probablement le même, mais les valeurs seuils précises doivent être étudiées.
Physiopathologie de la libération de Tn.
Dans le cardiomyocyte, il existe deux pools de Tn : un premier pool cytosolique de Tn libre (environ 8 % de la Tn totale) et un second de Tn liée au complexe contractile (complexe actine-myosine-Tn avec les trois isoformes de Tn : T, I et C).
En cas de souffrance (ischémie myocardique, par exemple), la Tn libre cytosolique peut être libérée. En cas de souffrance intense et/ou prolongée, la cellule se nécrose, la Tn libre cytosolique est immédiatement et entièrement libérée, le système contractile se dissocie ou est détruit et la Tn complexée est elle aussi libérée.
Concentrations de Tn Hs dans diverses circonstances pathologiques.
La principale cause d’augmentation de la Tn Hs est bien évidement l’IDM. Il existe d’autres causes d’élévation de la concentration de Tn Hs au dessus du 99e percentile d’une population de référence. Ces autres causes ne sont pas et ne doivent pas être appelées des « faux positifs » de Tn Hs. En effet, le terme « faux positif » impliquerait une élévation de Tn Hs non liée à une souffrance des cardiomyocytes, ce qui n’est pas le cas ici.
Ces causes potentielles d’origine cardio-vasculaire, mais aussi non cardio-vasculaire, résumées dans le tableau ci-dessous sont associées à des augmentations de concentrations qui ne sont pas comparables. Il est d’emblée évident que la détection des causes extracardio-vasculaires peut poser quelques problèmes au clinicien ; elle doit simplement nous rappeler que l’indication du dosage doit être parfaitement définie. Un dosage de Tn, fusse-t-elle hypersensible, ne peut s’interpréter en dehors du contexte clinique.
Quel bénéfice attendre de l’utilisation de ces Tn Hs ?
La très grande sensibilité de ces nouvelles méthodes de dosage permettra deux améliorations majeures :
– la première est de pouvoir diagnostiquer de « petits IDM » et donc de proposer une prise en charge adaptée à ces patients ;
– la deuxième est de raccourcir le délai à 3 heures avant la répétition du dosage (en cas de premier dosage retrouvant une très faible concentration).
En pratique.
La concentration de TnT Hs ne peut donc plus et ne doit plus s’interpréter de façon dichotomique « positive ou négative ».
Il faut maintenant séparer les concentrations « détectables mais inférieures au 99e percentile », des élévations modérées et des élévations plus importantes.
– En cas d’élévation modérée : de nombreuses affections peuvent être incriminées. L’indication du dosage est capitale car elle seule permet d’orienter le diagnostic vers l’une de ces affections. Un nouveau dosage à H3 permettra de différencier les IDM (concentration croissante) des autres causes.
– En cas d’élévation importante : cette situation est souvent paradoxalement plus facile car le diagnostic est le plus souvent celui d’IDM.
– En cas de très faible élévation : il s’agit très probablement d’une affection chronique.
Particularités liées au terrain.
– Il n’existe pas actuellement de données spécifiques chez le sujet âgé. Ces patients sont souvent polypathologiques et il est vraisemblable que la majorité d’entre eux ont des concentrations de Tn détectables, mais faiblement augmentées.
– L’insuffisance rénale peut, elle aussi, modifier l’analyse des concentrations de Tn. Cela a déjà été constaté avec les méthodes de dosage conventionnelles et il n’existe pour l’instant aucune donnée spécifique.
En conclusion, la méthode de dosage hypersensible permet la mesure de concentrations très faibles de Tn. Elle devient donc détectable chez une majorité de patients et doit s’interpréter, en fonction de l’indication, de façon quantitative.
Fait important, l’élévation de Tn, aussi faible soit-elle, conserve une importance pronostique à long terme.
* Service de cardiologie, hôpital Cochin, Paris.
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