LES JEUNES MÉDECINS de montagne s’interrogent et ne sont pas sûrs d’assurer la relève de leurs aînés. Soumis à de lourdes contraintes professionnelles et financières, ils partagent le sentiment d’exercer une médecine en manque de reconnaissance. « Je ne serai pas un bénévole de la médecine toute ma vie », confie l’un d’eux.
« On se dit parfois qu’il vaudrait mieux être pizzaïolo en station que médecin de montagne. » La réflexion, dans la bouche d’un jeune praticien amer, reflète le malaise général de la nouvelle génération. « Les comptes sont vite faits, explique le Dr Pierre Mennot. Un appareil de radio coûte 70 000 euros, le prix du mètre carré en station dépasse les 4 000 euros, et nous devons équilibrer nos comptes sur quelques mois d’exercice. »
En travaillant douze heures par jour et en assurant des gardes une nuit sur quatre, les jeunes médecins de montagne éprouvent le sentiment d’être les derniers des Mohicans de la permanence des soins. Car avec des actes rémunérés en secteur I, comme si leur exercice était comparable à celui de n’importe quel généraliste installé en ville, ils ont le sentiment de ne pas voir leur service médical reconnu pour ce qu’il est. « Notre investissement en temps de formation, en durée de travail et en risque financier n’est pas suffisamment pris en compte », estime le Dr Guillaume Fournier. Son père, généraliste dans le Calvados, a des revenus doubles des siens, constate-t-il. « Si les vétérans de la médecine de montagne peuvent s’y retrouver dès lors qu’ils exercent en secteur II, quant à nous, bloqués en secteur I, ne pouvons équilibrer nos comptes. »
Pourboire.
Avec une femme généraliste installée à Chambéry et trois enfants, le Dr Mennot s’interroge sérieusement sur son avenir, malgré tout l’intérêt qu’il puise dans l’exercice d’une médecine qu’il aime, dans un cadre de vie exceptionnel. Avec des charges qui représentent 60 % des honoraires perçus, la question de la viabilité économique est certes posée. Et le pourboire octroyé parfois par un patient russe, surpris par la modicité des honoraires demandés, pousse à son comble l’humiliation de ces jeunes praticiens. « En station, tout est beaucoup plus cher que dans la vallée, notent-ils, tout sauf la médecine ! »
Les jeunes médecins de montagne mettent en avant les économies qu’ils font faire à la Sécurité sociale en réalisant des actes qui, sans eux, entraîneraient des interventions et des hospitalisations bien plus dispendieuses. Ils soulignent qu’un cabinet médical en station exerce une réelle fonction de service public, alors qu’un CH comme celui de Bourg-Saint-Maurice, par exemple, est complètement débordé, le délai moyen d’attente y excédant 4 heures. « Dans nos cabinets, soulignent-ils, les patients sont pris en charge au fur et à mesure de leur arrivée. Le stress de l’hôpital en moins. » Et ils font valoir que les promoteurs des stations ne sauraient faire l’impasse sur leur activité. L’absence de cabinet médical remettrait en cause le statut même de station de sport d’hiver. Et compromettrait la venue des skieurs.
Alors, demandent les médecins de la nouvelle génération de montagne, pourquoi l’intervention des collectivités locales, considérée comme légitime dans les campagnes, pour équilibrer la démographie médicale, ne serait-elle pas légitime en territoire de montagne ? En pleine saison, on y compte un médecin pour 5 000 habitants, soit cinq fois moins que la moyenne nationale. Avec un cumul de 150 000 accidents de décembre à fin avril. Et jusqu’à 60 000 au cours de ce seul mois de février.
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