Les chirurgiens orthopédistes alertent sur les risques de pénurie de prothèses

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Publié le 21/03/2025
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Les contraintes économiques et tarifaires qui pèsent sur les dispositifs médicaux inquiètent chirurgiens orthopédistes et industriels. Le risque d’une pénurie d’implants rares est mis en avant.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

C'est une ligne de fracture qui se profile… Réduction des dépenses oblige, les chirurgiens orthopédistes, à l'unisson des industriels du secteur, s’alarment des baisses tarifaires que souhaite imposer le gouvernement à plusieurs dispositifs médicaux – principalement des prothèses – dont la production est déjà soumise à une forte pression économique.

« En l'état, c'est une économie de 71,5 millions d'euros sur trois ans qui nous est demandée par le Comité économique des produits de santé (CEPS). Les discussions se poursuivent », explique Hélène Sibrik, responsable sectorielle en charge de l'orthopédie au sein du Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (Snitem).

Les industriels soulignent d’abord le risque économique et social que font courir à la filière des coupes trop brutales. Stryker, géant mondial du secteur du dispositif médical, met en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui concerne la suppression d’une cinquantaine de postes sur les 410 salariés de l'usine de Montbonnot-Saint-Martin (Isère), spécialisée dans les prothèses d'épaule. Une décision de l'industriel américain pas uniquement liée à la situation française incertaine. « Nos prothèses sont exportées partout dans le monde, recadre Charles Charbit, délégué CFDT. Il s'agit d'une réorganisation davantage liée à une compétition interne entre usines du groupe plus qu'une réaction à la situation nationale. » Mais les perspectives de réduction des dépenses n’arrangent rien.

Ruptures d’approvisionnement ?

Les discours actuels autour du passage à une économie de guerre, qui pourrait se traduire par des coupes dans le secteur de la santé, ont noirci l’horizon en orthopédie, dans un contexte où les coûts de production ne cessent de grimper. De fait, une contrainte accrue sur les tarifs aurait cette fois un impact sur l'offre de soins. « On observe depuis plusieurs années déjà des regroupements et des rachats parmi les industriels, s'inquiète le Pr Laurent Obert, professeur de chirurgie orthopédique au CHU de Besançon. Il existait il y a dix ans une douzaine de références de prothèse de tête radiale (coude) dans le monde. Aujourd’hui, en France, il n'en existe plus que deux, distribuées par le même fabricant ! Si, demain, ces prothèses indispensables dans des traumatismes graves ne sont plus considérées comme rentables par cet industriel, rien ne l'obligera à en poursuivre la production. »

Dans un courrier adressé à ses membres, la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) craint « rupture d'approvisionnement et allongement des délais : ruptures liées à la baisse du nombre de fournisseurs, au fait que le marché français n'est plus prioritaire pour l'approvisionnement des produits et à l'externalisation de la production qui entraîne une vulnérabilité face aux perturbations logistiques et aux crises sanitaires type Covid ». Jusqu’au risque de pénurie d’implants rares ? La crainte s'accompagne d’un « risque de mise à l'arrêt des supports aux études cliniques » et d’une inquiétude sur le financement de congrès.

Face à ces dangers, le CEPS prône le pragmatisme dans un environnement de régulation économique inévitable. « C’est d'abord la réglementation européenne [coûteuse et complexe dans le montage des dossiers, NDLR] de 2017, et non les tarifs, qui a créé une marche à l’entrée difficile pour de nombreuses PME », expose Bernard Celli, vice-président chargé des dispositifs médicaux. Problème, les tarifs pour l'orthopédie n'ont pas été réévalués depuis 2019. « Le secteur a été impacté avec un report des opérations programmées en raison du Covid, c'est la raison pour laquelle les tarifs n'ont pas été révisés depuis, admet-il. Dans un souci de cohérence, nous avons demandé aux acteurs de nous lister des lignes sur lesquelles nous pouvons envisager une baisse, celles sur lesquelles un statu quo est souhaitable et, enfin, celles sur lesquelles pourrait être envisagées des revalorisations ponctuelles. » L'objectif de réduction des dépenses liées aux dispositifs médicaux et aux prestations est fixé à 200 millions d'euros pour 2025.


Source : Le Quotidien du Médecin