Pr Thierry LEBRET
À CE JOUR aucune étude n’a prouvé la supériorité du remplacement vésical (néovessie) après cystectomie par rapport au Bricker en terme de qualité de vie. Néanmoins, lors de la discussion préopératoire, une grande majorité des patients qui nécessitent l’exérèse de la vessie, expriment leur souhait d’éviter « la poche ». Avec l’expérience et un recul de plus de vingt ans d’une technique qui s’est maintenant banalisée, je constate que la réalisation d’une néovessie iléale pour les patients qui ne présentent pas de contre-indication est très largement proposée en France.
Des contre-indications connues.
La principale contre-indication, qui reste absolue, est l’invasion de l’urètre (préopératoire ou sur la recoupe en extemporanée). Les autres sont relatives et souvent à l’appréciation du praticien :
•la non-motivation du patient à se prendre en charge après l’intervention (refus des réveils nocturnes, de la rééducation, du suivi strict de la fonctionnalité) ;
•l’âge (même s’il est possible de réaliser avec succès des néovessies après 80 ans) ;
•l’altération des fonctions supérieures, critère éminemment subjectif ;
•enfin l’impossibilité d’utiliser le grêle (antécédent de radiothérapie, de chirurgie mutilante, disposition anatomique…).
Nous avons été les pionniers dans la mise au point et l’utilisation de cette chirurgie de remplacement qui s’est améliorée avec les progrès des techniques et des matériaux. Aujourd’hui la standardisation des gestes permet d’avoir des temps de réalisation très largement réduits avec une diminution drastique de la morbidité postopératoire. Au début réservées aux hommes, les néovessies sont maintenant largement proposées aux femmes avec les mêmes contre indications.
Fort de l’expérience de plusieurs décennies, il est possible de proposer un certain nombre de critères de qualité pour le fonctionnement d’une néovessie. Tout d’abord, l’exérèse de la vessie doit respecter le sphincter strié chez l’homme et l’innervation du col et de l’urètre chez la femme, pour maintenir une bonne continence. La dissection doit donc être minutieuse et, que ce soit en chirurgie ouverte, en coelioscopie ou au robot, le respect des tissus restant doit être une priorité. Le but de cette néovessie est de permettre au patient de retrouver une vie sociale la plus normale possible, il faut donc un réservoir d’une capacité de 350 à 400 cm3, permettant de garder les urines entre deux mictions. Le réservoir ne doit pas être plus grand afin d’éviter la réabsorption par l’intestin utilisé pour la confection de cette néovessie. En effet, même s’il se produit progressivement une atrophie des villosités, l’iléon garde ses caractéristiques « digestives » et peut donc réabsorber certains composés des urines, créant un risque d’acidose métabolique. Au fil du temps, nous avons réduit la longueur de l’iléon à utiliser ; aujourd’hui, à 20 cm de la valvule de Bauhin, nous ne prélevons plus que 35 à 45 cm de grêle. Cela conduit à réaliser des poches de 200 cm3 au moment de l’opération et qui, progressivement, se distendent pour arriver à terme à la contenance souhaitée.
La néovessie a pour deuxième vocation de préserver la fonction rénale. Il est donc indispensable d’éviter les hyperpressions et surtout les sténoses de l’implantation des uretères. La détubulisation des anses permet de confectionner une vessie à basse pression ; il n’est donc plus nécessaire de réaliser des réimplantations avec système antireflux (type Camey-Leduc), et l’on peut réaliser des implantations directes, bien larges, pour éviter la sténose. Pour prévenir l’ischémie terminale des uretères, il est également conseillé de disséquer ceux-ci très au large afin de préserver la vascularisation périurétérale.
La confection en elle-même dépend du type de modèle choisi. Pour ma part, je reste convaincu que le plus simple et le plus fonctionnel est le modèle du « Z » qui a largement été promu par Henry Botto. De réalisation aisée, il ne « consomme » que très peu d’iléon pour confectionner une poche qui a une forme très similaire à celle de la vessie. Son positionnement est simple et l’on peut aisément « façonner » cette nouvelle vessie afin qu’elle trouve une place « naturelle » pour occuper ses nouvelles fonctions. La fixation au psoas de ses deux cornes permet de bien étaler la néovessie dans le petit bassin. Le chirurgien doit alors bien penser le fonctionnement. Comment va réagir cette poche à la pression abdominale au moment de la miction ? Comment permettre un « moulage » qui assurera une vidange complète ? Les derniers travaux de Jonathan LOPATER sont à ce sujet très intéressants : en étudiant en IRM la vidange « néovésicale », il a permis de mieux appréhender les dispositions anatomiques des muscles périnéaux, la longueur de l’urètre et surtout l’angulation de celle-ci avec le fond néovésical.
Un suivi postopératoire essentiel.
Enfin, et surtout, le temps majeur, à ne pas sous-estimer, est l’apprentissage du fonctionnement et l’appropriation de la néovessie par le patient. Les infirmières, et plus largement toute l’équipe, doivent bien connaître le fonctionnement de cette dérivation afin de prodiguer les bonnes informations et donner une réponse validée et simple chaque fois que le patient s’interroge. La rééducation doit débuter le plus tôt possible et être très dynamique. Il est également important d’organiser le suivi à moyen et long terme. À l’hôpital Foch, nous avons opté pour un centre d’appel téléphonique assuré par 2 infirmières expertes pour cette pathologie. Elles sont chargées à la fois du suivi postopératoire pour l’éducation à la néovessie, les entretiens sur la sexualité et la mise en place des aides pharmacologiques si le ou la patiente le souhaite. Enfin, tous les jours ouvrables, elles assurent une veille téléphonique pour répondre aux interrogations des patients lorsqu’ils sont rentrés chez eux.
Les critères de qualité des néovessies doivent permettent d’obtenir les bons résultats que l’on retrouve dans la littérature à savoir une continence diurne de près de 90 % et nocturne d’environ 70 %. C’est donc une bonne organisation pré, per et postopératoire qu’il est souhaitable d’établir afin de donner le meilleur à nos patients.
*Chef du service d’urologie, hôpital Foch, université Versailles St-Quentin-en-Yvelines.
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