L’IMPLANTATION D’UNE LENTILLE intraoculaire par extraction extracapsulaire du cristallin est toujours une chirurgie réfractive qu’il existe ou non une cataracte. Le laser femtoseconde (FS) est largement employé en chirurgie cornéenne, son application pour l’opération du cristallin par phacoémulsification est une extension de son champ d’action. Toutes les formes, dessins et dimensions de sections cornéennes au laser sont possibles, aussi bien comme voie d’abord que pour relaxation tissulaire. La rapidité et la précision sont spectaculaires. Le laser effectue aussi la découpe capsulaire antérieure selon le dessin choisi et pour une dimension prédéterminée pour des atouts similaires. Puis il est demandé au laser d’aider directement à l’extraction du matériel cristallinien en préparant ce dernier en le fragmentant selon un mode, une puissance et une forme sélectionnés. Pour le moment, le laser FS s’arrête là. Après, il persiste le stade de l’aspiration-émulsification du matériel cristallinien, suivi de l’insertion de l’implant. Le laser permet donc d’ébranler le cristallin en morceaux, c’est un progrès, mais il faut encore recourir aux ultrasons pour les pulvériser en sable. On estime que le laser femtoseconde réduit de moitié la durée et l’intensité des ultrasons, toutefois uniquement sur des stades moyens car les formes très dures n’en tirent pas bénéfice. Or les ultrasons sont plus agressifs pour les tissus que le laser FS. L’étape ultérieure, et la véritable évolution, sera de parvenir à se passer des ultrasons et de juste aspirer.
Une étape vers une modélisation de l’intervention.
Cette opération est donc mixte : laser + instrumentation manuelle. Le laser apporte une calibration précise et une fiabilité nouvelle. Certes les chirurgiens font exactement la même chose avec les bistouris et les pinces, la différence sur les résultats est encore peu spectaculaire, mais c’est dans la répétition et la mise entre toutes les mains que le laser trouvera son triomphe. Environ 600 000 personnes se font opérer chaque année en France, avec des résultats tout à fait remarquables et les chirurgiens ont des taux de complications d’à peine 0,5 %. Le laser est une première étape vers une modélisation de l’intervention. La découpe accomplie par un système automatisé garantit un centrage parfaitement ajustable et une régularité optimale ; le geste est plus sûr et plus reproductible. Les incisions cornéennes sont parfaites et rigoureusement autoétanches. Le système de visualisation et la constante acquisition des données biométriques durant l’opération conditionnent la sécurité et la précision de cette opération. Il faut que les mesures soient justes et que l’imagerie rende compte exactement de ce qui doit être fait. Les lasers existants ont des procédés variables pour s’ajuster sur la cornée et réaliser les mesures peropératoires. C’est pourquoi dans le futur on assistera un changement dans le déroulement opératoire. Il sera sûrement plus simple de liquéfier l’intérieur du sac capsulaire tant que celui-ci est encore intact, puis seulement après découper la capsule. Les mesures peropératoires seraient bien plus simples. Cela résoudrait un inconvénient rémanent de toutes les machines qui est de laisser une pellicule de matériel cataracté le long de la capsule postérieure pour éviter de faire agir le faisceau directement sur elle, ce qui serait grave.
Pour le moment la cataracte au laser femtoseconde fait gagner des secondes mais perdre des minutes, car l’installation, l’étape de mise en place du système de délivrance et surtout le passage du laser au microscope opératoire font perdre du temps par rapport à la vitesse actuellement obtenue. Les yeux avec petite pupille ou rigides ne peuvent pas être ainsi traités sauf à disposer des écarteurs à iris.
Un laser femtoseconde pour cataracte a un prix catalogue de 400 000 à 500 000 euros, mais les compagnies le négocient volontiers en paiement à l’acte en contrepartie de flux seuil ou d’autres contrats sur des produits de la même firme. Mais la doctrine américaine « that cost would be passed on the patient » aura du mal à s’imposer en France. Chez nous les patients sont invités à régler 300 euros par œil pour bénéficier de cet appareil. Ils le font volontiers s’ils le peuvent mais cette somme est-elle un investissement utile en l’état ? Une chose est certaine le mot laser est magique et répond à une espérance implicite de nombreux patients et depuis plus de 30 ans ! À l’étranger, comme en Allemagne, le surcoût va jusqu’à 700 euros. Le retour sur investissement est entre 2500 et 3000 patients par an, sans compter, pour de tels débits, l’ouverture d’une salle dédiée en amont des salles opératoires. Les prises en charge spécifiques n’existent pas et il ne faut pas attendre des caisses et mutuelles un effort dans le modèle économique actuel. Les laboratoires induisent des études de type gain en qualité et baisse des complications pour essayer d’obtenir une cotation appropriée. Il est sûrement trop tôt pour justifier de telles approches, déjà en stand by avec les implants multifocaux.
Enfin, et ce n’est pas anodin, le laser pour la cataracte est un formidable atout publicitaire, modernisme, d’une part, parce que le produit est bon et constitue un progrès et, d’autre part, parce qu’il crée l’écart avec les concurrents. Nul doute que cela suffise à expliquer les implantations de ces dispositifs.
* Clinique de la Vision, Paris.
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