PAR LE Dr OLIVIER BARTHELEMY ET LE Pr JEAN-PHILIPPE COLLET*
L’INDICATION DU cathétérisme coronaire représente en elle-même un facteur prédictif d’hémorragie. Les patients pris en charge pour infarctus du myocarde ont un risque de complication hémorragique majeure (classification TIMI) pouvant aller jusqu’à 5 %. A contrario, les patients pris en charge de façon élective ont un risque de l’ordre de 0,3 %.
L’insuffisance rénale représente également un facteur de risque de complication hémorragique du fait, notamment, des risques de surdosage qu’elle engendre avec l’utilisation des traitements antithrombotiques. Or prés d’un quart des patients amenés en salle de coronarographie pour un syndrome coronaire aigu (SCA) ont une fonction rénale sévèrement ou modérément altérée. Dans le registre CRUSADE, 15 % des hémorragies majeures observées étaient attribuables à un surdosage. Les patients insuffisants rénaux ont également un risque plus élevé de saignement au point de ponction artériel du fait d’une atteinte artérielle fréquente (calcifications, athérosclérose évoluée).
L’abord artériel utilisé pour l’angioplastie apparaît, en effet, comme étant un élément déterminant du risque hémorragique. L’utilisation de la voie radiale s’accompagne d’une diminution de 60 à 80 % des hémorragies au point de ponction. Or, celles-ci représentent 30 à 60 % des hémorragies après angioplastie élective, pour SCA ou angioplastie primaire. Bien que les résultats restent discordants, cette diminution des complications hémorragiques par voie radiale semble s’accompagner d’une amélioration du pronostic. Il a également était rapporté que la voie radiale diminue de moitié le recours à la transfusion.
Si le point de ponction artériel représente le site le plus fréquent d’hémorragie après angioplastie élective, il en va différemment après angioplastie primaire où les saignements digestifs sont les plus fréquents. L’étude COGENT a montré le bénéfice de l’utilisation d’un inhibiteur de la pompe à protons après angioplastie avec une diminution d’environ 40 % des complications hémorragiques.
Un impact majeur sur le pronostic.
La survenue d’une hémorragie majeure est corrélée avec un mauvais pronostic, elle multiplie par 3 le risque de décès après angioplastie élective (STEEPLE), par 4 après un SCA (ACUITY) et par 4,7 après un infarctus (HORIZONS-AMI). Les complications hémorragiques ont un impact comparable, voire plus marqué, sur le pronostic que la survenue de complications ischémiques. Si les patients qui saignent sont ceux qui ont le plus de comorbidités, la survenue d’un saignement reste cependant indépendamment corrélé avec un mauvais pronostic après ajustement. De la même manière, les traitements antithrombotiques (fondaparinux, bivalirudine) qui ont démontré une réduction des complications hémorragiques pour une efficacité anti-ischémique comparable aux héparines dans le SCA (OASIS-5) ou l’infarctus du myocarde (HORIZONS-AMI) ont également démontré une diminution de la mortalité, suggérant un impact direct des hémorragies sur le pronostic vital.
Si l’impact sur le pronostic des déglobulisations massives à l’origine de déstabilisation hémodynamique est clair, d’autres facteurs sont également impliqués, tels la diminution de la distribution d’oxygène au myocarde, un état hyperadrenergique ou l’interruption thérapeutique secondaire au saignement et à l’anémie. L’arrêt des antiagrégants plaquettaires conduit à un surrisque ischémique (effet rebond), ce qui explique que même la survenue d’hémorragies mineures soit corrélée avec une surmortalité. L’impact pronostique reste cependant proportionnel à la gravité du saignement. Les effets délétères de la transfusion (vascoconstriction, hyperagrégation plaquettaire, effets pro-inflammatoire) ont également été rapportés et une stratégie de transfusion restrictive (Hb ‹ 7 g/dl) semble la plus adaptée chez le patient coronarien.
Une estimation du risque hémorragique de plus en plus précise.
Les scores de risques ischémiques (GRACE, TIMI..) sont déjà largement utilisés pour stratifier le risque des patients pris en charge pour SCA. Plus récemment, des scores de risque hémorragiqueont été développés pour l’angioplastie élective (score NCDR) et pour les SCA sans élévation de ST (score CRUSADE). Bien que développés sur des populations de patients préférentiellement abordés par voie fémorale, ils permettent une estimation plus objective du risque hémorragique et une meilleure adaptation thérapeutique.
* Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
+ deux tableaux
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