CONTRAIREMENT à d’autres articulations de l’organisme, l’épaule est non portante mais particulièrement mobile. Ses tendons vieillissent plus rapidement que son cartilage. Ainsi les ruptures de coiffe des rotateurs, représentent la pathologie dégénérative la plus répandue. Les ruptures sont très courantes sur le tendon du muscle supra-épineux. Puis elles s’aggravent par rétraction frontale, de l’extérieur vers l’intérieur, et par rétraction sagittale : extension en avant vers le subscapulaire et en arrière vers l’infra-épineux voire le teres minor (petit rond) ; parallèlement les muscles s’atrophient. Progressivement, sous l’effet de l’action du deltoïde, la coaptation glénohumérale n’étant plus assurée par la coiffe, la tête humérale a tendance à ascensionner : c’est l’excentration ; entraînant une arthrose secondaire, elle conduit à l’omarthrose excentrée dont l’importance a été précisée selon la classification de Hamada.
Une expression de sévérité variable.
La sévérité du tableau clinique est variable, allant jusqu’à l’épaule pseudoparalytique, souple en passif, mais avec impotence active dans le secteur de l’élévation antérolatérale (voir figure) et fréquemment des rotations et en particulier externes. Le déficit fonctionnel est parfois dramatique, entraînant une perte d’autonomie majeure, associée à des douleurs mécaniques et souvent, également à des douleurs nocturnes, même si elles ne sont pas de type inflammatoire.
À ce stade, aucune intervention sur les parties molles n’est efficace ; la mise en place d’une prothèse anatomique est contre-indiquée car vouée à l’échec du fait de la pérennisation du processus d’excentration.
Un concept original.
La prothèse inversée lors de la substitution des surfaces articulaires ne conserve pas le versant sphérique sur la tête humérale comme l’anatomique, mais est implantée sur l’omoplate. La cavité sphérique arthroplastique correspondant à cette sphère au lieu de reposer naturellement sur la glène humérale est logée dans l’épiphyse humérale.
Historiquement, après l’échec de plusieurs tentatives d’arthroplasties inversées proposées dans les années
1970, la prothèse inversée semi-contrainte mise au pont par le Pr Paul Gramont s’est avérée en mesure de modifier la mécanique articulaire en valorisant l’action du deltoïde. Le principe est d’abaisser et de médialiser le centre de rotation du nouveau complexe articulaire, celui-ci devenant fixe, au niveau de la glène osseuse.
Le moment d’action du deltoïde est alors optimisé en permettant la récupération d’une épaule indolore et fonctionnelle, en particulier en élévation antérolatérale.
La prothèse comporte une embase glénoïdienne à visser, une glénosphère et une tige humérale, monobloc à cimenter, ou bibloc avec une pièce épiphysaire et une pièce diaphysaire recouvertes d’hydroxyapatite de calcium (HAP).
Un bilan préopératoire soigneux.
Le bilan paraclinique préopératoire comporte essentiellement un bilan radiographique authentifiant l’omarthrose excentrée et un scanner (TDM) avec fenêtres osseuses et musculaires ou une IRM. Ces examens permettront de vérifier le stock osseux disponible glénoïdien (la TDM étant plus avantageuse que l’IRM) et d’évaluer le niveau d’atrophie des corps musculaires de la coiffe (l’IRM et la TDM donnent des informations équivalentes). La qualité du deltoïde doit être également confirmée par ces examens en préopératoire car ce muscle sera le moteur essentiel de cette prothèse. On précisera aussi l’état du teres minor. Sa persistance permet le plus souvent de compenser l’atteinte de l’infra-épineux, son absence incite à indiquer l’association à l’arthroplastie d’un transfert musculaire.
Outre l’évaluation clinique de l’épaule, qui sera utilement colligée sous forme d’un score standardisé (score de Constant, score DASH, « Disability Arm, Shoulder Hand », etc.) un bilan général est requis chez ces patients âgés et souvent porteurs de polypathologies.
Le conditionnement préopératoire sera conforme aux recommandations requises pour la chirurgie prothétique, (tout particulièrement pour la lutte contre une possible source d’infection nosocomiale).
Une intervention codifiée.
L’intervention est menée sous anesthésie générale, associée le plus souvent à un bloc interscalénique. Le patient est installé en position demi-assise, le membre supérieur parfaitement libre pour permettre une mobilisation plus aisée durant l’intervention. La prothèse est implantée soit par voie deltopectorale soit par voie supéroexterne transdeltoïdienne. La tête humérale, classiquement « chauve » est facilement exposée et luxée en haut et en avant. Sa section est faite selon l’angulation propre au modèle prothétique utilisé. Une attention particulière est portée à la détermination de la rétroversion de cette coupe (en référence à l’axe antébrachial) qui déterminera la position de l’implant.
Cette section de tête humérale permet l’accès à la glène dont la préparation comporte une libération capsulaire périphérique complète avec excision du labrum et curetage du cartilage. Une broche guide est alors
mise en place selon des critères précis (dans tous les plans de l’espace), afin d’assurer l’orientation optimale de la métaglène et surtout de la glénosphère qui y sera fixée : centrage à douze millimètres du bord inférieur de la glène, orientation adaptée à la morphologie (usure de la glène) pour obtenir une prise osseuse optimale, trajet horizontal ou légèrement ascendant mais jamais descendant. Le fraisage est alors réalisé jusqu’à atteindre l’os sous chondral. La plupart des modèles sont fixés par un plot central dont on préparera le trajet (voir figure). L’embase de fixation dite métaglène est alors impactée puis fixée par deux ou quatre vis (voir figure). Une glénosphère d’essai est mise en place, son débord inférieur est vérifié. Il est très important pour éviter la survenue ultérieure d’encoches (modification radiologique fréquemment rencontrée lors du suivi, qui peut parfois aboutir à un descellement).
Puis la préparation humérale est réalisée avec des modalités variables selon les modèles prothétiques, mais avec dans tous les cas, une préparation diaphysaire et une préparation métaphysaire, afin de fixer en « press-fit » ou après cimentation, un implant correctement orienté (respect de la rétroversion initialement choisie en particulier).
La mise en place de la prothèse définitive est réalisée (voir figure) après testing, à l’aide d’implants d’essais,
pour déterminer précisément la stabilité prothétique et la tension musculaire.
Dans certains cas de déficit important de la rotation externe, la transposition du muscle latissimus dorsi isolément ou en association avec le teres major, peut être indiquée.
Une expérience validée par ses résultats.
Il s’agit d’une arthroplastie qui a transformé la vie des patients souffrant d’une impotence majeure et douloureuse de leur épaule sur rupture massive de coiffe, alors même que l’on ne disposait jusqu’alors d’aucune solution réellement efficace.
Dans les figures (numéros à préciser) on se rend compte du résultat radiographique et clinique fréquemment obtenu avec cet implant. Néanmoins, comme pour tout traitement, un certain nombre de complications peut survenir, justifiant une technique rigoureuse et surtout des indications précises : après échec des traitements médicaux classiques voire d’autres techniques chirurgicales conservatrices (non prothétiques). Des évaluations cliniques et radiologiques sont constamment réalisées pour évaluer en continu l’évolution de ces prothèses.
D’après la conférence d’enseignement du Dr C.Nerot, CHU de Reims.
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