Volés au musée de Rouen, trois traités d'anatomie rendus au public 25 ans plus tard

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Publié le 16/12/2023

L'une des 277 illustrations colorisées du traité d'anatomie d'André Vésale
Crédit photo : Musée Flaubert et d'histoire de la médecine Réunion des musées Métropole Rouen Normandie

À partir de ce week-end - et jusqu'au 2 février - deux rarissimes ouvrages d'anatomie du XVI^e siècle d'André Vésale et un troisième d'Ambroise Paré pourront être, à nouveau, admirés au musée Flaubert et d'histoire de la médecine de Rouen. Dérobés, à l'établissement il y a 25 ans, à l'occasion d'un colloque de médecine, ils avaient failli finir dans une benne du CHU de Grenoble ! Heureux dénouement après l'invraisemblable périple de ces œuvres majeures, estimées à 2,5 millions d'euros…

Valeur historique et pécuniaire

Pour le premier De humani corporis fabrica du célèbre médecin flamand de la Renaissance, il ne s'agit ni plus ni moins, que de l'édition princeps de 1543 ! Considéré comme l'ouvrage fondateur de l'anatomie, voire par certains, comme le plus beau livre du monde avec ses 277 remarquables illustrations et ses 22 lettrines totalement en couleurs. « C'est aussi l'unique exemplaire que compte la France sur la dizaine qui existe », détaille avec émotion Sophie Demoy-Derotte, directrice du musée Flaubert. Rien que ce traité est estimé à 1,5 million d'euros. Quant au deuxième Vésale retrouvé : Anatomes totius paru en 1564, il tutoie les 850 000 euros. Plus modestement, le prix du volume original, édité en 1575, des Œuvres - du père de la chirurgie française - Ambroise Paré, s'élèverait aux alentours des 40 000 euros. Des sommes d'autant justifiées que « la colorie d'époque réalisée par des moines copistes est extraordinaire et émouvante… », souligne Jean-Bernard Gillot spécialiste des livres rares médicaux pour la librairie parisienne "Alain Brieux".

Vol en plein congrès de médecine

Le musée avait acquis ses livres anciens exceptionnels, via des dons effectués par des praticiens, au siècle dernier. C’est lors d'un colloque de médecine, qui s'est tenu en ses murs, le 5 novembre 1998, que les trois ouvrages de la Renaissance se sont volatilisés. De là à penser, que l’un des congressistes était aussi collectionneur… C'est une des hypothèses émises par un membre de la police judiciaire. Si le vol est désormais prescrit, une enquête est néanmoins en cours pour remonter la piste du recel. Car longtemps introuvables, ils réapparaissent fort mystérieusement, treize ans plus tard… Tout bonnement dans l'enceinte du CHU de Grenoble ! Et tout simplement déposés, à côté d'une benne à ordures. « Ça ne pouvait pas passer en vente », explique la directrice du musée volé. On n'ose imaginer l'irréparable suite… Cependant, les précieux livres sont fortuitement et - in extremis - récupérés par un agent technique du centre hospitalier. Il les conserve pendant dix ans. Mais en 2021, son fils prend contact avec le musée des Sciences médicales dudit CHU, qui alerte aussitôt les autorités judiciaires.

Restitution début décembre

Le lien est vite établi avec la plainte déposée à l'époque. Conservés depuis deux ans, à la bibliothèque d'études et du patrimoine de Grenoble, les traités d'anatomie viennent tout juste d'être restitués à la Métropole de Rouen. Jusqu'au 2 février 2024, les chefs-d’œuvre en question, pourront être (re)découverts, peu avant de partir pour une restauration… Plus ou moins longue. Une exceptionnelle petite fenêtre de tir, que les amateurs, pas forcément congressistes, ne sauraient manquer !

Annick Bernhardt-Olivieri