LES DÉPASSEMENTS d’honoraires : 900 millions d’euros en 1990, 2,5 milliards en 2010. Une progression « spectaculaire » (présentée en euros constants),commente l’étude poussée qui vient d’être consacrée au sujet (1) et rendue publique en annexe des comptes 2010 de la Santé.
• 21 100 euros par médecin.
Sans précédent, cette enquête établit que les dépassements représentent aujourd’hui 12 % des honoraires totaux de l’ensemble des médecins, 17 % pour les spécialistes (hors les généralistes) et 32 % pour les seuls chirurgiens. Rapportée à chaque médecin, l’addition globale représente une somme de 21 100 euros mais cette moyenne cache de fortes disparités : les psychiatres empochent individuellement 18 800 euros en dépassements, les chirurgiens 80 000 (voir tableau). Quant à l’évolution observée ces dix dernières années (+ 50 % pour tout le monde entre 2000 et 2010), elle dissimule elle aussi des mouvements divers : chez certains spécialistes, le montant global des dépassements a plus que doublé – c’est le cas des anesthésistes (+ 150 %), des radiologues (+ 120 %), des psychiatres (+ 101 %).
Concentrant l’analyse sur le seul secteur II, les statisticiens constatent que le taux de dépassement (c’est-à-dire la part des dépassements dans les honoraires totaux) y a, toutes spécialités confondues, progressé de 7 points entre 2000 et 2010, passant de 28 % à 35 %. Dans le détail, ce taux a grimpé en flèche pour les psychiatres (+ 15 points) et, dans une moindre mesure, pour les chirurgiens (+ 11 points).
• Des zones propices.
Où se nichent les dépassements ? Il y a bel et bien des localisations géographiques privilégiées, note l’étude qui relève, en particulier, que les dépassements sont « plus fréquents et plus élevés dans les départements riches et urbains ». Elle affine le propos en expliquant que « toutes choses égales par ailleurs, un département cumulera des taux de spécialistes en secteur II et des taux de dépassement élevés (supérieurs respectivement à 30 % et 25 %) si le niveau de vie des habitants est élevé, s’il y a une forte proportion de grands centres urbains (villes de plus de 100 000 habitants) et enfin, dans une moindre mesure, si la densité de médecins spécialistes est faible ». En pratique, les départements concernés sont situés le long de la Seine, de la Saône et du Rhône jusqu’à la Méditerranée ; s’y greffent la Gironde, le Nord et quelques autres…
Par ailleurs, localement, la « solvabilité » de la clientèle influence le montant des dépassements. « Le niveau de vie par département joue très significativement et positivement sur les dépassements des médecins, remarque l’enquête. Ainsi, une augmentation de 1 % du niveau de vie des habitants conduit à une augmentation de 6 % des dépassements des chirurgiens, de 3,8 % des gynécologues et de 0,9 % des ophtalmologues. »
• Un profil d’activité particulier.
Les dépassements d’un médecin sont d’autant plus élevés que son activité est faible, ceci quelle que soit la spécialité étudiée. « Tout se passe, commente l’étude, comme si les médecins ajustaient leurs tarifs dans le but d’atteindre un niveau de "revenu cible". (...) Les médecins utiliseraient les dépassements pour compenser leur plus faible activité et augmenter leur revenu. » Quant à la nature des actes donnant lieu à dépassement, actes cliniques et techniques font jeu égal. Mais les taux de dépassement sont plus élevés sur les actes cliniques : « 37 % des honoraires totaux issus d’actes cliniques sont des dépassements alors que ce n’est le cas que de 27 % des honoraires issus d’actes techniques. »
Dans un autre registre, l’enquête constate que les praticiens hospitaliers disposant d’un secteur privé à l’hôpital (en secteur II) se distinguent des autres médecins « par des montants de dépassements très supérieurs » – chez les ophtalmos par exemple, ce statut occasionne des dépassements d’un montant 35 % plus élevé à ceux de leurs confrères exclusivement libéraux.
• Des confrères mimétiques.
« Dis-moi de combien tu dépasses et je dépasserai... comme toi. » Pour l’enquête, le comportement mimétique des médecins en matière de dépassements ne fait pas de doute : « Les dépassements pratiqués par les confrères exerçant dans le même département ont une influence positive très forte, pour toutes les spécialités, sur les montants des dépassements pratiqués par les médecins. (...) Une augmentation de 1 % des dépassements moyens pratiqués par les confrères entraîne une augmentation de dépassements de 0,5 % pour les ophtalmologues et les gynécologues, et même de 0,9 % pour les chirurgiens. »
(1) Vanessa Bellamy (drees) et Anne-Laure Samson (LEDa-Legos, Université Paris Dauphine), « Choix du secteur de conventionnement et déterminants des dépassements d’honoraires des médecins ».
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