« La sémantique conditionne tout, explique en préambule le Dr Petit. L’expression « cicatrice chéloïdienne » devrait être supprimée. Elle suggère une lésion séquellaire relevant d’une réparation chirurgicale, et fait oublier son caractère évolutif chronique. La sanction est une récidive presque inéluctable après exérèse. Le fait que des mécanismes de la cicatrisation interviennent dans la physiopathologie de la chéloïde n’en fait pas pour autant une cicatrice, au sens usuel du mot. Privilégions le terme de maladie chéloïdienne ».
Évaluer la demande
Elle peut être surtout en rapport avec une gêne esthétique, mais aussi avec des manifestations fonctionnelles neuropathiques à type de prurit, de douleurs, d’hypersensibilité allodynique qui peut entraver le sommeil, l’habillement ou le port d’une ceinture de sécurité… Parfois aussi ce sont des suppurations intrachéloïdiennes, souvent aseptiques, qui gênent le patient.
Face à une demande esthétique, la chirurgie propose une exérèse complète ou uniquement intralésionnelle (au centre de la lésion). Cette dernière « prétend limiter les récidives, ce qui n’a jamais été validé et paraît illogique puisque la zone périphérique qui est laissée en place est celle où l’activité chéloïdienne est la plus forte », précise le Dr Petit. Aucun autre procédé de destruction n’a fait preuve de supériorité par rapport à la chirurgie simple : cryothérapie et laser CO2 ont peu d’intérêt. Quelle que soit la technique choisie, il faut y adjoindre des mesures médicales de prévention des récidives et une surveillance prolongée pendant des années. Malgré tous les efforts la récidive n’est pas rare, souvent avec aggravation : il faut savoir aussi s’abstenir d’opérer.
Les injections intralésionnelles de corticoïdes sont efficaces sur le prurit et les douleurs et aplatissent les chéloïdes. Cependant les patients, mais surtout les médecins y renoncent parfois, déçus par leur effet suspensif qui oblige à les répéter dans la limite de leur tolérance locale et systémique. D’autres produits peuvent être injectés aussi (bléomycine, vérapamil, 5FU…).
La radiothérapie (brachythérapie) adjuvante per- ou postopératoire a fait preuve elle aussi d’une certaine efficacité (3) en prévention des récidives.
La compression, lorsqu’elle est réalisable, peut être un adjuvant thérapeutique important dans diverses situations, par exemple après exérèse d’une chéloïde du lobe de l’oreille.
Enfin, toutes ces techniques gagnent à être combinées entre elles.
Une classification pour guider le traitement
En attendant de meilleurs traitements médicaux, une première tâche est d’individualiser des populations homogènes ayant des besoins thérapeutiques et des risques de récidive équivalents, pour pouvoir faire des essais thérapeutiques de qualité et mieux définir les conduites à tenir.
Ainsi, une classification en degrés de gravité a récemment été proposée pour les chéloïdes cervicales antérieures des patients noirs (4).
De son côté, la thèse d’exercice du Dr Hirsch (5) propose une classification intuitive en 4 classes selon que la chéloïde se développe surtout en surface ou en épaisseur, est encore indéterminée ou reste dans les limites d’un traumatisme sans s’en écarter. « En l’affinant un peu, cette classification pourrait s’avérer très utile en pratique. Lorsque les chéloïdes s’étendent en surface, il est plus raisonnable de les aplatir avec un traitement médical que de les opérer », précise le Dr Petit.
D’après un entretien avec le Dr Antoine Petit, hôpital Saint-Louis, Paris
(1) Petit A. Ann Dermatol Venereol 2016;143(1):81-95
(2) Petit A. Ann Dermatol Venereol 2014;141(8-9):480-90
(3) Duan Q et al. Mol Clin Oncol 2015;3(3):550-4
(4) Tirgan MH. F1000Res 2016;5:1528
(5) https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01304318
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