Depuis l’arrivée du dupilumab (Dupixent) en 2017, d’autres molécules sont venues compléter l’arsenal thérapeutique dans la dermatite atopique, justifiant une mise à jour des recommandations de prise en charge. Sous la houlette de la Pr Marie-Sylvie Doutre, dermatologue au CHU de Bordeaux, le groupe de recherche sur l’eczéma atopique (Great) de la Société française de dermatologie (SFD) et le Centre de preuves en dermatologie se sont chargés de cette actualisation. Présentés lors des journées dermatologiques de Paris, en décembre 2024, les nouveaux textes seront mis en ligne sur le site du Centre de preuves et publiés dans différentes revues en 2025.
En France, 4 à 5 % de la population adulte est atteinte de dermatite atopique. La maladie évolue par poussées de lésions cutanées, dont la fréquence (d’une à deux par an à des poussées à répétition) et l’intensité (lésions localisées ou étendues à l’ensemble du corps) sont variables. La prise en charge repose sur des traitements locaux (dermocorticoïde ou inhibiteur topique de la calcineurine), et pour les cas les plus sévères, sur la ciclosporine et sur la nouvelle génération de traitement.
Peu d’évolutions dans les formes non sévères
Les dermocorticoïdes restent le premier traitement à initier. Ils sont à appliquer une fois par jour pendant les poussées sur la zone concernée. Les inhibiteurs topiques de la calcineurine peuvent aussi être utilisés « pour traiter des zones sur lesquelles les dermocorticoïdes pourraient entraîner une atrophie cutanée, comme les paupières ou la région ano-génitale », explique la Pr Doutre. Une seule molécule est disponible dans cette classe en France, le tacrolimus, avec deux spécialités commercialisées (Protopic, Takrozem).
« Si les poussées sont fréquentes, un traitement pro-actif en dehors peut être mis en place, poursuit la dermatologue. Des études ont montré que cette approche permet d’en réduire le rythme ». Les dermocorticoïdes ou les inhibiteurs topiques de la calcineurine sont alors à appliquer deux fois par semaine sur les zones de récidives, les lésions apparaissant souvent aux mêmes endroits.
La principale évolution des recommandations repose sur l’intégration des six nouveaux traitements systémiques déjà disponibles en France. « D’autres sont en cours d’étude, les recommandations pourraient vite évoluer », anticipe la Pr Doutre. Pour l’heure, trois biothérapies sont à injecter avec un stylo : le dupilumab (Dupixent), le tralokinumab (Adtralza) et le lebrikizumab (Ebglyss). Les inhibiteurs de Janus kinase (Jaki) sont administrés per os : l’abrocitinib (Cibinqo), le baricitinib (Olumiant) et l’upadacitinib (Rinvoq).
Chez un adulte, au-delà de quatre tubes de 30 gr par mois, le passage à un traitement oral doit être envisagé
Pr Marie-Sylvie Doutre, dermatologue au CHU de Bordeaux
Ces traitements ne peuvent être prescrits qu’en cas d’échec d’un traitement local (en réaction à une poussée ou pro-actif) « adapté et bien conduit », insiste la Pr Doutre. Malgré le traitement local, « les lésions peuvent rester importantes et/ou avoir un retentissement sur la qualité de vie », précise-t-elle. Autre cas de figure, l’eczéma est stabilisé, mais avec un recours trop important aux dermocorticoïdes. « Chez un adulte, au-delà de quatre tubes de 30 gr par mois, le passage à un traitement oral doit être envisagé », encourage la dermatologue.
Ces traitements sont à initier après un traitement par ciclosporine, dont le « principal intérêt est son efficacité rapide », souligne la Pr Doutre. Pour réduire le risque d’effets indésirables associés (hypertension artérielle, problèmes rénaux, etc.), la durée du traitement est à limiter à un an. En cas de contre-indications, d’absence d’efficacité ou d’effets indésirables, un passage à l’un des six nouveaux traitements disponibles est recommandé. « Chez les sujets âgés de plus de 65 ans, peu inclus dans les études en raison de leurs comorbidités, la ciclosporine n’est pas recommandée. Les biothérapies sont à prescrire en première intention », précise la dermatologue.
Un choix parmi six nouvelles thérapies
Le choix entre les six nouvelles molécules s’effectue en fonction de l’âge et/ou des comorbidités (facteurs de risque cardiovasculaire, antécédents de cancer). « Tous n’ont pas d’indication pédiatrique », relève la Pr Doutre. Chez les femmes enceintes, le traitement systémique passera en première intention, soit par la photothérapie (en l’absence de risque particulier), soit par la ciclosporine, « un immunosuppresseur sur lequel on a beaucoup de recul », souligne la dermatologue.
En ville, les dermatologues, allergologues et pédiatres peuvent assurer la primo-prescription des biothérapies
Pr Marie-Sylvie Doutre
Les biothérapies ne sont plus soumises, depuis avril 2024, à une prescription initiale hospitalière (PIH). « En ville, les dermatologues, allergologues et pédiatres peuvent assurer la primo-prescription », rappelle la spécialiste. Pour accompagner les professionnels, un algorithme décisionnel sera mis à disposition des professionnels sur le site de la SFD lors de la publication des recommandations.
Autre évolution, le groupe de travail de la SFD met l’accent sur la prise en charge de la maladie et du patient dans sa globalité, « en prenant en compte sa qualité de vie », insiste la Pr Doutre. « Les lésions sont prurigineuses, voire très prurigineuses, et peuvent être visibles, altérant la vie personnelle, familiale et même professionnelle », ajoute-t-elle.
Dans certains cas, le patient peut être orienté vers des ateliers d’éducation thérapeutique. Ces sessions, menées en groupe et généralement animées par plusieurs professionnels (médecin, infirmier, psychologue, etc.), permettent d’expliquer la maladie, le but du traitement et la manière d’être autonome dans la prise en charge. Ces ateliers sont aussi une occasion de rappeler l’importance des facteurs liés à l’environnement dans la dermatite atopique. « Les ateliers permettent un rappel des mesures d’hygiène adaptées : bain ou douche à l’eau tiède et pas trop longue, utilisation de produits adaptés pour la toilette (pH neutre ou doux) et application quotidienne d’une crème hydratante pour corriger la sécheresse cutanée, même en dehors des poussées », indique la Pr Doutre.
Contrer la corticophobie
Les recommandations veulent aussi contrer la corticophobie. « Parler de cortisone peut susciter un phénomène de rejet, lié à la crainte d’une prise de poids ou de développer d’autres problèmes cutanés. Il est important de rappeler que les dermocorticoïdes, appliqués correctement (une fois par jour pendant les poussées sur la zone concernée), n’entraînent que de très rares effets secondaires », poursuit la spécialiste.
Si ces informations sont transmises en consultation, « la remise d’un document écrit reprenant les principaux messages et consignes peut aider à l’assimilation », ajoute-t-elle. La SFD a élaboré une fiche à cet effet intitulée « la dermatite atopique en 15 points ». La société savante a également développé une boîte à outils avec en particulier un score pour apprécier la sévérité et une liste des centres d’éducation thérapeutique. Le dispositif « chrono reco », qui offre la possibilité de personnaliser les recommandations selon le profil du patient, intégrera la dermatite atopique.
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