La personnalisation est devenue le maître mot des outils numériques de nutrition. Il y a eu d'abord les applications destinées à des populations cibles (diabétiques, personnes âgées, nourrissons), ou à un état physiologique (grossesse, sportif, étudiant), puis, grâce à des objets connectés, les programmes ont été en mesure de proposer une aide à la décision personnalisée, soutenue désormais par l'intelligence artificielle (IA). Ainsi, Eat this much planifie automatiquement les repas selon les préférences, et Chef Watson, d'IBM, le fait même selon le contenu de votre frigo. Avec, à terme, un marché de réfrigérateurs connectés et courses en lignes livrées automatiquement…
D'autres outils sont de petits labos portables : Nima détecte la présence de gluten dans les aliments ; Gobe2 traque le nombre de calories consommées par bioimpédance cutanée ; Aire évalue, dans l'air expiré, les métabolites des Fodmaps.
Avec l'accès à ces données cliniques, tout un marché de calcul, voire de fabrication d'aliments adaptés se développe. Par exemple Gomixfit est un robot ménager qui fabrique des boissons nutritionnelles personnalisées, Tespo délivre des vitamines et Baze permet d'analyser les concentrations sanguines de vitamines avant de les livrer.
La nutrigénomique pousse la logique plus loin, avec par exemple Habit, qui analyse l'ADN et 60 biomarqueurs sanguins et suggère ainsi des menus voire, depuis son rachat par l'industriel Campell, les propose en plats cuisinés. Newtopia propose aussi du coaching santé en entreprise selon l'ADN.
Le microbiote n'est pas en reste. Ubiome propose un diagnostic du microbiote, Map my gut y ajoute des conseils personnalisés et Day two des menus adaptés.
Les imprimantes 3D sont une dernière tendance. Le projet Performance vise ainsi à fabriquer des aliments texturés pour les seniors.
Et demain, la réalité augmentée devrait arriver dans la restauration, pour consulter les menus, et pouvoir les filtrer ; le portage de repas à domicile pour seniors s'adapter à leurs besoins. Des analyses nutrigénomiques pour femmes enceintes sont en projet, ainsi que des gélules « intelligentes » analysant le microbiote en temps réel.
À côté des barrières technologiques, les enjeux éthiques sont immenses, avec des dérives facilement envisageables comme exclure ceux qui n'ont pas le bon gène, individualiser le risque au lieu de le mutualiser, ou encore créer de nouvelles inégalités sociales en santé. Sans compter la marchandisation, l'exploitation frauduleuse des données et la création de dépendances.
Reste, et ce n'est pas rien, le défi scientifique de pouvoir montrer la pertinence de ces nombreuses mesures. Malgré l'absence de preuve, les mastodontes dont le modèle économique repose sur l'accumulation de données continuent toutefois de susciter l'enthousiasme du public, poussé par un besoin de comprendre son alimentation, d'autant plus dans les pays émergents.
D'après une conférence organisée par la FFAS, 12 décembre 2018
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