Il existe des différences entre les femmes et les hommes dans le cerveau, en particulier dans les zones qui contrôlent les fonctions physiologiques liées à la reproduction sexuée. « Chez les femmes, des neurones s’activent chaque mois, au niveau de l’hypothalamus, pour déclencher l’ovulation. Cette activité neuronale est bien sûr inexistante chez l’homme », indique Catherine Vidal, neurobiologiste, directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur et autrice de plusieurs ouvrages sur le sujet (1). Toutefois concernant les aptitudes cognitives (intelligence, mémoire, attention, imagination…), les recherches menées dans le domaine des neurosciences s’accordent pour montrer que les femmes et les hommes disposent des mêmes capacités cérébrales. « Néanmoins, les stéréotypes et les idées reçues sur les différences d’aptitude et de comportement entre les sexes ont la peau dure. Ainsi, on laisse croire que les filles sont naturellement multitâches et douées pour le langage alors que les hommes seraient bons en mathématiques et plus compétitifs », déplore Catherine Vidal.
Tous différents
Grâce aux nouvelles techniques d'exploration du cerveau par IRM, il est possible d’observer les zones qui contrôlent le langage et le calcul. « Lorsque l’on compare des milliers de cerveaux d’hommes et de femmes par IRM, il n’y a pas, d’un point de vue statistique, de différence entre les deux sexes dans la répartition des aires du langage. Même constat dans des expériences qui analysent les cerveaux d’hommes et de femmes en train d’effectuer un calcul mental, souligne Catherine Vidal. Les résultats de l’IRM montrent en fait une grande variabilité dans l’activité du cerveau, chez les deux sexes, pendant le calcul. En fait, pour arriver au même résultat, chaque individu a sa propre façon d’activer son cerveau, ce qui correspond à autant de stratégies différentes pour arriver à bien effectuer le calcul mental ». Ainsi, les différences que l’on peut observer sous IRM entre les personnes d’un même sexe égalent ou dépassent les différences éventuelles entre les sexes. On constate la même variabilité entre les cerveaux quand on regarde, par IRM, la forme des circonvolutions du cortex cérébral (sillons présents à la surface du cerveau). « Nous avons tous et toutes des cerveaux différents indépendamment de notre sexe », résume Catherine Vidal.
Une plasticité cérébrale infinie
« Notre cerveau est constitué de 100 milliards de neurones connectés entre eux par un million de milliards de synapses. Chaque neurone est connecté, en moyenne, à 10 000 autres neurones. Or 90 % de ces synapses sont fabriquées après la naissance, c’est-à-dire à partir du moment où l’enfant est en interaction avec son environnement physique, social, culturel… Tous les facteurs liés à l’éducation, à la culture et à la société vont alors jouer un grand rôle au niveau du développement cérébral. Cette capacité du cerveau humain à se façonner en fonction des apprentissages et des expériences de vie, appelée la plasticité cérébrale, explique pourquoi nous avons toutes et tous des cerveaux différents », relate Catherine Vidal. La variabilité cérébrale entre les êtres humains dépend donc de l’histoire de vie, différente pour chaque femme et chaque homme. Cela confère un caractère spécifique et unique à chaque cerveau humain.
Un environnement sexué dès le plus jeune âge
À la naissance, le nourrisson n’a pas conscience de son sexe. Il va le réaliser progressivement, au fur et à mesure de son développement. C’est vers l'âge de deux ans et demi que l’enfant a les capacités mentales suffisantes pour être capable de s’identifier au masculin et au féminin. « Mais, bien avant, ses parents et/ou proches ont déjà sexué son environnement, par la décoration de la chambre, les jouets, les vêtements… De plus, il a été montré que les adultes n’ont pas les mêmes attitudes avec les tout-petits, filles et les garçons. Ils ont souvent plus d’interactions physiques avec les garçons tandis qu’ils parlent et chantent plus volontiers avec les petites filles. Tous ces processus d’interaction de l’enfant avec son environnement contribuent à forger certains goûts et traits de personnalités, en fonction des normes de genre, féminin et masculin, données par la société dans laquelle l’enfant est né », explique Catherine Vidal. La construction de l’identité, qui associe sexe et genre, se met en place progressivement chez l’enfant, par le biais de la plasticité de son cerveau.
Prescriptions culturelles de la domination masculine
Dans ces conditions, le genre, performance sociale du sexe, peut exercer une influence sur les pratiques alimentaires. Les travaux des historiens et anthropologues tels que Claude Lévi-Strauss et Françoise Héritier ont montré que toutes les sociétés humaines forgent des prescriptions et des interdits dans l’alimentation. « Dans la majorité de ces sociétés, les hommes sont plutôt nourris avec de la viande rouge et des morceaux nobles tandis que, pour les femmes, sont réservées les céréales, viandes blanches et bas morceaux. Cette différence dans les mets prescrits ou interdits dans l’alimentation est le reflet d'un processus bien démontré par les anthropologues : celui de la domination masculine dans l’organisation sociale », souligne Catherine Vidal. La force étant associée aux hommes et la faiblesse, aux femmes. « Cette construction culturelle symbolique, qui attribue des qualités différentes aux femmes et aux hommes est en totale contradiction avec la réalité du travail physique qui a toujours été celui de femme dans toutes les sociétés (celles des chasseurs-cueilleurs aux sociétés industrielles). Que ce soit dans les milieux ruraux ou en usine : les femmes ont toujours exercé des travaux physiques », rappelle Catherine Vidal.
Le poids des canons de beauté
Dans nos sociétés contemporaines, les mentalités ont évolué et des lois ont été votées pour plus d’égalité entre les sexes aux niveaux social, économique et politique. « Néanmoins, il existe toujours des canons de beauté qui laissent croire qu’il est important pour l’homme d’avoir des muscles saillants et, pour la femme, d’être mince. Ces injonctions à suivre la mode renforcent les stéréotypes selon lesquels la viande rouge serait davantage adaptée à l’homme qui doit entretenir ses muscles et la viande blanche aux femmes, qui ne veulent pas grossir. En réalité, les différences de goûts alimentaires entre les hommes et les femmes ne sont pas fixées dans le cerveau depuis la naissance. Ils évoluent tout au long de la vie, et sont influencés par une multitude de facteurs dont la culture, les normes sociales et les médias », conclut Catherine Vidal.
exergue p15 : Pour arriver au même résultat, chaque individu a sa propre façon d’activer son cerveau
(1) Catherine Vidal est l’autrice de « Nos cerveaux, tous pareils, tous différents ! » (éditions Belin, 2015), et coautrice, avec Muriel Salle, de « Femmes et santé : encore une affaire d’hommes ? » (éditions Belin, 2017).
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