En 2014, 422 millions adultes vivaient avec un diabète, définis par une glycémie à jeun supérieure à 7 mmol/L, contre 108 millions en 1980, soit un doublement de la prévalence mondiale, qui est passée de 4,7 % à 8,7 %.
Tels sont les chiffres présentés dans le premier rapport de l'organisation mondiale de la santé (OMS) publiés à l'occasion de la journée mondiale de la santé, le 7 avril. Le diabète a ainsi causé 1,5 million de décès en 2012, tandis qu'une forte glycémie est associée à 2,2 millions de morts supplémentaires. Le diabète est en outre la cause de 42 % des décès survenus avant 70 ans. « Le pourcentage de morts attribuables à un taux de glucose trop important est plus élevé dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires que dans les pays à fort revenus », affirment les rapporteurs.
Lutter contre le surpoids et l'inactivité
Ce premier rapport mondial comprend plusieurs recommandations avec pour objectif affiché de réduire d'un tiers la mortalité liée au diabète en 2030, ce qui est en ligne avec les objectifs du millénaire pour un développement durable. Il n’existe pas de moyen de prévention efficace contre le diabète de type 1, mais le diabète de type 2 peut être combattu par la promotion de meilleurs comportements alimentaires et de l'activité physique. « Une politique de santé publique seule ne peut pas parvenir à un tel résultat, il faut donc un changement impliquant gouvernements et sociétés civiles », estiment les auteurs qui jugent par ailleurs important que les États connaissent mieux la situation de l'épidémie dans leur territoire. Si beaucoup d’enquêtes nationales ont été menées ces 5 dernières années pour mesurer la prévalence de l'inactivité physique et du surpoids, moins de la moitié de ces enquêtes comprenait une mesure de la glycémie.
Le rapport de l'OMS préconise la mise en place de commissions multisectorielles de haut niveau pour veiller à l'engagement politique, à l'allocation des ressources et du pilotage de la réponse aux maladies non transmissibles, avec une attention toute particulière portée sur le diabète. Ces politiques de santé publique doivent promouvoir en priorité la prévention du surpoids et de l'obésité et comporter des objectifs quantifiables. Ces mesures passent par la création d'environnements bâtis et sociaux propices à l'activité physique et des incitations, y compris fiscales, à une alimentation saine.
Contacté par le Quotidien du Médecin, l'OMS a précisé « qu'environ 80 % (soit 156 pays) des États membres de l'OMS ayant répondu à l’enquête 2015 sur les capacités sanitaires nationales se sont dotés de politiques de santé destinées à prendre efficacement le diabète en charge, mais ces politiques sont opérationnelles dans seulement 127 pays », explique l'agence.
Des traitements à rendre plus accessibles
L'OMS appelle enfin à adapter et implémenter dans chaque pays un parcours de soins qui englobe le diagnostic et la prise en charge des diabètes de types 1 et 2, ce parcours étant lui-même intégré dans la politique de lutte contre les maladies non transmissibles. Ce « package » suppose que l'on parvienne à rendre les traitements plus accessibles, ce qui constitue à l'heure actuelle un important point de blocage.
« L'insuline et les hypoglycémiants oraux ne sont considérés comme disponibles que dans une minorité de pays à faibles revenus, précisent les auteurs, les agents hypoglycémiants sont également non régulièrement non disponibles dans les pays à revenus intermédiaires. »
« L'insuline n'est disponible que dans 23 % des centres hospitaliers des pays à faibles revenus, les sulfonylurées ne sont disponibles que dans 15 % de ces centres et la metformine dans 42 % d'entre eux », indique au « Quotidien » l'OMS. L'agence précise que les pays à revenus intermédiaires subissent une double peine : « Ce sont les pays où le plus grand nombre de nouveaux cas sont diagnostiqués, suite à des modifications profondes de leurs modes de vie, alors qu'ils ne sont pas en mesure payer les coûts de la maladie. »
Les insulines 3 fois plus chères en 10 ans
Les prix des nouvelles insulines occupent, selon l'OMS, une part importante dans l'explosion du coût des traitements. Une observation que conforte une étude publiée cette semaine dans le « JAMA ». Des chercheurs des universités de Melbourne et du Michigan ont montré que le coût de la prise en charge du diabète reposant sur l'insuline a été multiplié par 3 en 10 ans. Les auteurs se sont pour cela appuyés sur les données fournies par l’enquête nationale américaine sur les dépenses de santé réalisée auprès des 28 000 patients et de leurs mutuelles. Alors qu'une année d'insuline coûtait 231 dollars (203 euros) par patient en 2003, elle coûte 736 dollars (646 euros) en 2013, en dollars constants.
Dans le même temps le coût de la metformine a été divisé par 4, et les molécules plus récentes comme les prix des inhibiteurs des DDP4 n'ont augmenté que de 34 %. Une telle inflation pousse les auteurs à se questionner sur la réévaluation du coût efficacité des différentes options thérapeutiques. « Même si les nouveaux analogues de l'insuline ont un bénéfice supérieur, leur prix prohibitif nous impose de nous demander s’ils sont vraiment nécessaires et, si oui, pour qui ? » s'interroge le Pr William Herman de l'université du Mishigan.
Les auteurs du rapport s'interrogent également et rappellent que les analogues de l'insuline et les nouveaux traitements oraux n'ont pas intégré la liste de l'OMS des médicaments essentiels. En effet, « rien ne prouve leur avantage sur des traitements moins chers ou génériqués », rappellent-ils.
Un PIB amputé de 1 700 milliards
Le poids économique du diabète est désormais de 827 milliards de dollars par an, soit 727 milliards d'euros, en ce qui concerne les coûts médicaux directs, une somme qui a triplé entre 2003 et 2013. Le rapport cite les travaux du professeur d'économie et de démographie David Bloom de l'école de santé publique de Harvard qui avait, pour sa part, estimé que le diabète privait le PIB mondial de 1 500 milliards d'euros par an, dont 700 milliards pour les seuls pays en voie de développement. Ces sommes comprennent les coûts directs et indirects liés à la pathologie.
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