Dès la première moitié du XXe siècle, il avait été constaté que le pancréas des diabétiques est plus petit que celui des non-diabétiques. Ce qui questionnait la théorie selon laquelle l’atteinte pancréatique dans le diabète de type 1 (DT1) concerne uniquement les cellules β des îlots de Langerhans, alors que ces îlots ne représentent qu’environ 2 % de la masse du pancréas et, les cellules β, la moitié des cellules de ces îlots. La perte exclusive des cellules β, soit 1 % de la masse du pancréas, est difficile à expliquer l’intégralité de la réduction du volume pancréatique.
Ce n’est que dans la deuxième moitié du XXe siècle qu’a émergé la notion d’atteinte du pancréas exocrine, avec des anomalies fonctionnelles, évaluées par la quantification de la stéatorrhée, le test à la sécrétine, la mesure directe du débit de bicarbonate dans le duodénum ou, plus récemment, le dosage de l’élastase fécale, très bon marqueur de la fonction exocrine.
Dans le cadre du projet network for pancreatic organ donors with diabetes (nPOD), l’analyse des pancréas de donneurs, par la TDM ou IRM, a confirmé la diminution de leur volume chez les diabétiques, associée à des anomalies de structure, présentes assez précocement, avec dès les premières années de la maladie, avec quelques lésions de fibrose, de dégénérescence adipeuse et d’atrophie acinaire.
Une altération du réseau vasculaire
Si ces atteintes exocrines sont avérées, leur physiopathologie reste mal élucidée. Trois hypothèses principales ont été émises : l’extension du processus auto-immun au pancréas exocrine, un trouble trophique lié à la diminution de l’insuline locale et des altérations vasculaires.
L’équipe du Pr Charles Thivolet (Lyon) avait mis en évidence des anticorps dirigés contre le tissu exocrine dans le DT1, mais ils sont difficiles à identifier de façon fiable, et le niveau de preuve reste assez faible.
Un travail, réalisé dans les années 1980, avait montré que, lors du diagnostic du DT1, les altérations du tissu exocrine sont plus importantes au voisinage des îlots dépourvus de cellules β. Un argument en faveur d’un rôle trophique de l’insuline. La baisse de la concentration locale en insuline serait responsable de l’atrophie des tissus exocrines, et les injections d’insuline exogène seraient insuffisantes pour la restaurer.
Autre hypothèse, celle du rôle de la vascularisation. « Nous avons montré que ces anomalies du pancréas exocrine, chez le DT1, étaient essentiellement liées à la durée du diabète et aux complications associées, et qu’elles pourraient relever de la microangiopathie ou du moins d’une altération du réseau vasculaire du pancréas exocrine », explique le Pr Étienne Larger, Hôpital Cochin. Dans le DT2, le scanner montre des lésions vasculaires pancréatiques, mais dont on ne sait pas si elles sont la cause ou la conséquence du diabète. Dans les modèles expérimentaux de diabète, des anomalies assez précoces de la vascularisation des îlots de Langerhans ont été décrites. Et, contrairement à ce qu’on pensait précédemment, le système vasculaire des îlots de Langerhans a des connexions majeures avec celui du pancréas exocrine.
Des perturbations potentielles de la glycémie post-prandiale
De 20 % à 25 % des DT1 présentent des anomalies exocrines, généralement assez modérées et sans stéatorrhée significative. Les taux d’élastase fécale sont généralement compris entre 100 et 200 µg/g (seuil qui caractérise le déficit exocrine), avec, dans un tiers des cas, des concentrations inférieures à 100 µg, et beaucoup plus rarement inférieures à 50 µg, chiffre en dessous duquel peuvent s’observer stéatorrhée et malabsorption.
Les conséquences potentielles d’un déficit exocrine sont la malabsorption des vitamines liposolubles, du fait de la maldigestion des graisses et, ce qui prend tout son sens chez le diabétique, la maldigestion des amidons. Dans ce cas, les injections d’insuline ajustées sur les doses d’hydrates de carbone ingérées peuvent être inadaptées, exposant au risque d’hypoglycémies.
« Nos premières explorations, menées chez des patients faisant des hypoglycémies sévères, ont pu relever des déficits profonds de la fonction exocrine, concernant essentiellement la vitamine D, peu les vitamines A et E », raconte le Pr Larger. Il faut évoquer ce dysfonctionnement exocrine dans un DT1 ancien associé à une microangiopathie. Il n’y a pas d’indication à prescrire des extraits pancréatiques si l’élastase est supérieure à 50 µg. Un seul essai a évalué l’intérêt des extraits pancréatiques sur les hypoglycémies : les résultats sont peu probants, car l’hypoglycémie est multifactorielle et que les patients inclus n’avaient pas d’altération marquée de la fonction exocrine.
« Pour vérifier l’hypothèse du lien avec les anomalies microvasculaires, nous proposons un projet de recherche sur la quantification des flux vasculaires pancréatiques par IRM chez les diabétiques », indique le Pr Larger. Pour les autoanticorps visant le pancréas exocrine, un très gros travail de recherche serait nécessaire, avec des systèmes d’immunofluorescence. Un autre essai randomisé de supplémentation exocrine va être mis en place, en ciblant un déficit franc (élastase inférieure à 50 µg) avec des marqueurs de malabsorption des vitamines liposolubles.
Entretien avec le Pr Étienne Larger, Hôpital Cochin
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