En France, on estime à 60 % les patients avec un diabète de type 1 (DT1) qui sont traités par stylo connecté, auxquels viennent s’ajouter ceux avec un diabète de type 2 (DT2), traités soit par multi-injections, soit par insuline basale seule. Des centaines de milliers de patients atteints de DT1 ou de DT2 sont ainsi concernés. Or, jusqu’à présent, il y avait un gros décalage entre le recueil des informations des patients DT1 sous pompe à insuline ou sous boucle fermée, pour lesquels toutes les données thérapeutiques sont remontées de façon automatique, et les patients traités par stylos, pour lesquels on n’avait que des informations déclaratives… quand on en avait ! Depuis l’arrivée des capteurs de glycémie, le classique carnet que les patients tenaient pour noter à la fois leur glycémie capillaire et les doses d’insuline qu’ils s’administraient, a bien souvent disparu. Il manquait donc aux diabétologues une donnée pourtant essentielle : les doses d’insuline administrées et l’heure d’administration !
LE QUOTIDIEN : Que vous apportent les stylos connectés ?
Pr MICHAËL JOUBERT : Avec les stylos non connectés, les patients pouvaient toujours rentrer manuellement les doses d’insuline administrées sur des applications reliées aux capteurs de glucose, mais en réalité, c’était très peu fait. Ce qui avait été gagné grâce aux capteurs avec une vision plus fine du taux de glucose, était donc contrebalancé par la perte des données concernant l’insuline. L’arrivée des stylos connectés devrait remédier à cette faille et nous rapprocher du niveau de suivi des patients sous pompe à insuline.
Quels sont les différents stylos connectés sur le marché ou attendus prochainement ?
On dispose actuellement de stylos réutilisables avec une connectivité embarquée. Des cartouches d’insuline y sont placées. Ils ont une durée de vie moyenne de trois ans : ce sont les stylos développés par Novo (Novo Pen 6 pour les adultes et Novo Pen Écho Plus pour les enfants, remboursés en France depuis mars 2022). Des stylos jetables développés par Lilly sont attendus : les Tempo Pen auront un capuchon connecté qui lui, sera réutilisable (Tempo Smart Button). Il faudra donc que, lorsque le patient jette son stylo jetable, il pense à conserver le capuchon. Comparativement aux stylos réutilisables, en métal, plus écologiques, les stylos jetables sont un peu plus légers. En Allemagne, les stylos réutilisables sont les plus utilisés. Sanofi développe également un stylo jetable Toujeo SoloStar et Toujeo DoubleStar avec un capuchon connecté (SoloSmart).
Les technologies de recueil des données sont-elles les mêmes ?
Pas tout à fait, car le stylo réutilisable de Novo utilise le « sans contact » pour transmettre les données dans l’application smartphone : il faut donc poser le stylo sur le smartphone, un contact étroit étant nécessaire. Les stylos réutilisables de Sanofi ou de Lilly utilisent la technologie bluetooth : il n’y a donc aucune manipulation à faire pour que les données soient remontées. Elles le sont automatiquement lorsque le capuchon connecté est à proximité du smartphone. Il y a moins de risque d’oubli.
Les données arrivent sur différentes plateformes partenaires : par exemple, les stylos Novo ont une compatibilité avec la plateforme LibreView d’Abbott. Les stylos de Lilly sont annoncés avec une compatibilité pour les plateformes Glooko et MyDiabby, etc. Il n’y a pas de plateforme unique, ce qui complique le travail du diabétologue en charge d’interpréter les données de tous ses patients.
Quels sont les intérêts de ces stylos connectés ?
Pour le patient, l’intérêt est de disposer sur son application partenaire, de ses données d’insuline et de capteur et donc de retrouver le même niveau d’information que lorsqu’il notait tout sur un carnet (mais sans risque d’oubli de les noter), lui permettant de faire une auto-analyse des données.
Et pour les professionnels de santé ?
C’est de retrouver des informations d’un niveau standard équivalent à celles fournies par une pompe à insuline. Les premières études réalisées avec les stylos connectés nous montrent qu’il y a beaucoup d’injections d’insuline oubliées ou retardées, ce qui est une découverte, car peu de patients le déclaraient spontanément ! Selon ces premières études, il y aurait jusqu’à 25 % des injections d’insuline rapide et jusqu’à 30 % des injections d’insuline lente qui seraient oubliées, souvent de façon inconsciente, ce qui est énorme !
Cela va donc nous permettre d’affiner nos données pour ce qu’il en est réellement de l’observance quantitative (existe-t-il des oublis d’injection ?) et qualitative (l’heure de l’injection précède-t-elle bien le repas ?). Cela va ainsi nous permettre de développer avec nos patients, des stratégies pour trouver la parade à leurs oublis en fonction des situations. Au vu de ces premiers résultats, lorsque la proportion des patients sous stylo connecté va bondir, nous nous attendons à avoir encore d’autres surprises !
Est-il temps pour les médecins retardataires de s’approprier toutes ces techniques ?
C’est une nécessité car il est clair les stylos connectés représenteront le standard dans les trois ans à venir. Cela laisse le temps de se familiariser avec tous ces nouveaux dispositifs et aussi d’éduquer les patients à leur usage.
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