Par le Dr Anne-Laure Borel*
La physiopathologie du syndrome d’apnées du sommeil (SAS) est complexe, mais l’obésité, en particulier l’obésité abdominale est clairement corrélée à la présence et à la sévérité du SAS, mesurée par l’index d’apnées + hypopnées en nombre d’événements par heure (Vzongtas, JCEM 2000). De même, les patients apnéiques présentent très souvent un syndrome métabolique et le nombre de critères du syndrome métabolique présentés par le patient est corrélé à la sévérité du SAS (Bonsignore, ERJ, in press). Les travaux de K. Spiegel et coll. ont montré un rôle de la réduction du temps de sommeil sur la détérioration des paramètres métaboliques. La fragmentation du sommeil, particulièrement dans les phases de sommeil lent profond, a elle aussi montré un rôle délétère. À la fin de l’année 2011, est paru un article de Sharma et coll. dans le New England Journal of Medecine, qui a mesuré l’effet d’un traitement par pression positive continue (PPC) sur les critères du syndrome métabolique chez 86 patients qui avaient une apnée du sommeil sévère avec une somnolence importante, en l’absence de traitement antidiabétique, antihypertenseur ou contre la dyslipidémie. Ils ont bénéficié d’un traitement par PPC et d’un appareillage placebo en cross-over. Les critères du syndrome métabolique ont été améliorés par la PPC, notamment la pression artérielle, les taux de triglycérides, de cholestérol total, de LDL-cholestérol ainsi que le taux d’hémoglobine glyquée. Ces améliorations étaient accompagnées d’un effet de la PPC pour réduire le poids et la graisse viscérale.
Une association fréquente.
SAS et diabète de type 2 sont deux conditions fréquemment associées : selon les études, de 58 à 86 % des diabétiques de type 2 ont un syndrome d’apnées du sommeil, mais 18 % seulement sont actuellement traités pour SAS dans une étude portant sur des patients consultants chez leur médecin généraliste (Chest, in press). À l’inverse, dans une série de 595 patients diagnostiqués au CHU d’Angers comme ayant un SAS, 30 % avaient un diabète de type 2 (dont 11,3 % non connus) et 20 % une intolérance au glucose. Dans les études épidémiologiques de grande envergure comme la Sleep Heart Health Study ou la Wisconsin Sleep cohort, le SAS ou l’index d’apnées + hypopnées sont associés à la présence d’un diabète de type 2 ou d’une insulinorésistance, même lorsque l’on intègre (par ajustement statistique) l’excès de poids, l’âge et le tour de taille élevés des patients apnéiques. Par ailleurs, chez 60 patients diabétiques de type 2, une étude parue dans l’American Journal of Critical Care Medecine montre que la sévérité du SAS est associée à une hémoglobine glyquée plus élevée.
Indépendamment de ses effets sur l’équilibre glycémique, le SAS est en premier lieu un facteur de risque cardio-vasculaire, comme démontré par Marin et coll. (Lancet, 2005), qui a la caractéristique d’être réversible sous traitement par PPC. Le SAS induit un risque relatif de 3,1 de faire un événement cardio-vasculaire derrière le tabac (9,8) et le diabète (4,2), mais devant les autres facteurs de risque classiques (Eur Resp J 2009). Cet excès de risque s’explique par l’HTA associée au SAS qui est préférentiellement nocturne, diastolique avec perte du phénomène de « dipping » (diminution de 10 à 20 % de la PA la nuit). On rencontre un SAS dans 80 % des HTA réfractaires. Il est associé à un excès de risque de présenter une ischémie myocardique nocturne, une mort subite par trouble du rythme nocturne, une dilatation de l’aorte thoracique et abdominale, une insuffisance cardiaque et bien sûr une coronaropathie.
Il apparaît donc établi que le SAS est une pathologie fréquemment associée au diabète de type 2 et encore sous-diagnostiquée. Pourtant, il s’associe à une détérioration de l’équilibre glycémique et à une insulinorésistance plus élevée. De plus, il représente un facteur de risque cardio-vasculaire majeur et réversible. Son dépistage et son traitement sont donc des éléments fondamentaux dans la prise en charge intensive et intégrée des patients diabétiques de type 2. Il reste à évaluer si le SAS constitue une risque de développer un diabète de type 2 chez des sujets indemnes de diabète, et s’il aggrave la survenue des complications micro- et macroangiopatiques. Il apparaît donc nécessaire d’établir des recommandations pour les modalités du dépistage et du traitement du SAS chez les sujets diabétiques.
D’après le débat Conséquences cardio-vasculaires du syndrome d’apnées du sommeil chez un patient diabétique, organisé par RESMED.
*Service d’endocrinologie, diabétologie et maladies de la nutrition, hôpital universitaire de Grenoble.
Liens d’intérêt :
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024