« LA FRANCE compte désormais 3 millions de diabétiques, un chiffre qui dépasse les prévisions les plus pessimistes », a souligné Jacques Bringer lors d’une conférence de presse présentant l’ouvrage collectif publié à 5 000 exemplaires. Favorisé par le surpoids, le diabète de type 2 (DT2), est la forme la plus fréquente (92 %). « Il faut définir une nouvelle façon d’aborder cette maladie chronique », disent les promoteurs du livre blanc, écartant, pour l’heure, l’idée d’un plan Diabète. « Des plans santé, il doit y en avoir une soixantaine aujourd’hui. Nous n’avions pas l’intention d’en ajouter un de plus. Nous sommes condamnés à innover devant cette épidémie pour partie évitable et pour partie inévitable », explique Serge Halimi.
Le livre blanc dresse d’abord un « constat connu, peu réjouissant voire inquiétant ». Outre les ravages de cette épidémie « silencieuse », les coûts supportés par l’Assurance-maladie dérapent. D’après Jacques Bringer, la facture globale « affleure les 14 milliards d’euros en 2009 ». Un montant qui a doublé en moins de dix ans. « Quelle société peut porter une telle charge ? » Les coûts varient de 600 euros par an après le dépistage jusqu’à 65 000 euros lorsque le patient est sous dialyse.
Le phénomène, qui touche autant les pays développés que le tiers-monde, sera difficile à endiguer. L’hérédité et le vieillissement favorisent son épanouissement. L’évolution des modes de vie, l’urbanisation, la sédentarisation et le manque d’activité physique ont enfoncé le clou. « L’obésité de plus en plus précoce fait le lit du diabète, rappelle le Pr Bringer. Il y a une concordance des courbes de progression de l’obésité et du diabète depuis 12 ans. » À cela s’ajoutent les diabétiques qui s’ignorent : de l’ordre de 500 000 à 600 000, peut-être davantage.
Sept propositions.
Adressé aux pouvoirs publics et aux parlementaires, le livre blanc contient sept propositions. La médiatisation du diabète et de ses risques est au cœur du dispositif. « Il faut initier des campagnes nationales de prévention et de dépistage au plan régional avec l’aide des ARS et des professionnels de santé locaux, inclure le diabète dans les campagnes liées à l’alimentation et agir auprès des professionnels de l’agroalimentaire », résume Serge Halimi. L’absence d’information a favorisé la croissance de la maladie : « 80 % des cas de type 2 sont dus à des facteurs environnementaux, ils sont donc évitables ! »
Les campagnes de sensibilisation ne devront pas seulement être déclinées à grande échelle, il s’agit de cibler les populations vulnérables (les plus pauvres, les habitants des DOM-TOM, les personnes âgées, etc.). En guise d’illustration, Alain Coulomb dévoile les contours d’une étude menée en Seine-Saint-Denis : « La prévalence du diabète y est deux fois plus élevée que de l’autre côté du périphérique. » Les collectivités territoriales, municipalités en tête, seront, à ce titre, mises à contribution. C’est aussi au niveau local que la promotion et le développement de l’activité physique recevront un meilleur écho.
Il faut, en outre, de réorganiser l’organisation de la prise en charge. Toutes les professions de santé doivent être associées : le généraliste comme pilier, les spécialistes, les personnels infirmiers, mais aussi les pharmaciens, qui ont leur rôle à jouer dans le dépistage. En France, si les coûts se sont envolés, c’est également parce que « le poids du diabète repose beaucoup trop sur les hôpitaux ». Aux yeux de Serge Halimi, l’enjeu primordial est d’« améliorer le parcours de soins et l’éducation thérapeutique des patients ». Dans ce registre, « la télémédecine est absolument essentielle ».
Pour mobiliser tout le monde, Alain Coulomb milite pour une rémunération plus attractive. S’adressant aux députés Gérard Bapt (PS, Haute-Garonne) et Jean-Pierre Door (UMP, Loiret), il a recommandé la création d’un forfait pour le suivi des patients : « La rémunération à l’acte n’est pas adaptée ». Une meilleure efficacité de la prise en charge du diabète est un enjeu de société. L’épidémie peut causer des dégâts collatéraux souvent irréversibles : problèmes cardiaques et respiratoires, apnée du sommeil, cécité, risque renforcé d’infarctus voire amputation.
L’Union européenne semble avoir pris les devants. Un vaste programme de recherche sur les maladies chroniques sera prochainement rendu public. « Des dizaines de millions d’euros vont être débloqués. Cela concernera évidemment le diabète », promet Serge Halimi. « L’ONU et l’Europe ont donné un signal d’alarme. Les maladies chroniques peuvent à moyen terme gêner l’évolution du PIB de nos pays. »
« Le livre blanc du diabète : sept propositions pour faire face à l’épidémie silencieuse du XXIe siècle » par Alain Coulomb, Serge Halimi et Igor Chaskielevitch, publié sous l’égide de la Société francophone du diabète (SFD) avec le soutien institutionnel de Novo Nordisk.
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