Le dépistage dans une fourgonnette

Une coopération interpro qui roule en Bourgogne

Publié le 15/11/2012
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QUELQUES MINUTES, le menton calé sur le rétinographe non mydriatique pour photographier le fond d’œil. Quelques minutes sur le tonomètre à air pulsé pour prendre la tension des yeux… C’est fini. La neuvième campagne de dépistage gratuite et itinérante de la rétinopathie diabétique vient de faire une nouvelle victime. Roland Savoard, 75 ans, habitant de Selongey, petit bourg de Côte-d’Or. « Mon médecin traitant m’a dit que pour obtenir un rendez-vous en 15 jours au lieu des six mois habituels, je dois demander un suivi diabétique », s’amuse-t-il. Roland n’a pas eu à attendre ou à se rendre à Dijon, à 45 minutes de voiture. C’est dans un cabinet motorisé, un fourgon tout équipé, garé aux abords de la mairie de Selongey, et plongé dans le noir que le vieil homme a rendez-vous. Face à lui, Thibault Martin, un jeune orthoptiste de 24 ans.

Aller chercher les patients exclus des soins.

Cette consultation itinérante est le fruit d’une collaboration efficace entre l’URPS-médecins libéraux, l’agence régionale de santé (ARS), la fédération des diabétiques de Bourgogne et le CHU de Dijon. Une première en France, dont la Haute autorité de santé (HAS) a souligné l’an passé « la qualité », « le grand intérêt pour les patients concernés » et « l’engagement qu’[elle] représente », notamment de la part des médecins.

Localement, l’initiative ne fait pas que des heureux (voir encadré) mais elle a été validée par la HAS comme l’un des premiers « vrais » protocoles de coopération, instaurée dans la lignée de la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST). Séduite, l’ARS Ile-de-France a d’ores et déjà autorisé les professionnels de santé franciliens à s’approprier le concept.

Une rétinopathie dépistée, 5 000 euros par an économisés.

Chaque année, le diabète est responsable en France de 28 000 cas de cécité. Au volant de son super-fourgon, Thibault Martin sillonne les routes des quatre départements de la région. Château-Chinon, Saint-Sauveur, Chatillon-en-Bazois, Brinon-sur-Beuvron… Dans ces cantons éloignés des zones urbaines et des ophtalmologistes, les patients diabétiques qui n’ont bénéficié d’aucun remboursement d’ophtalmologie les douze derniers mois sont prévenus par la Sécurité sociale du passage de l’orthoptiste.

Ces six dernières années, 7 681 patients ont été dépistés grâce à ce dispositif ; 13 % d’entre eux étaient atteints d’une rétinopathie diabétique. « Et une rétinopathie dépistée, c’est 5 000 euros par an d’économie pour la Sécurité sociale », argumente Carole Colin, directrice de l’URPS-médecins libéraux.

Délégation intelligente.

À l’origine de ce projet : deux ophtalmologistes convaincus que l’avenir de la profession réside dans la coordination et la délégation de tâches intelligente. « Ca ne pouvait marcher qu’avec la pleine collaboration de la ville, de l’hôpital et des associations de patients, explique l’un des fondateurs, le Dr Patrick Quercia, ophtalmologiste libéral à Beaune. Et dans le coin, les diabétiques de plus de 60 ans réparent plus facilement leur voiture qu’ils ne consultent leur "ophtalmo" ». Le Dr Quercia détaille le projet : Thibault Martin, salarié par l’URPS (1 700 euros nets mensuels), prend les clichés. L’URPS s’occupe de la gestion des données via une plateforme de télémédecine et les transfère au service de chirurgie polyvalente du CHU de Dijon. Là, les internes du Pr Catherine Creuzot-Garcher, cofondatrice, se livrent à une interprétation et une recommandation de suivi de soins. Les informations sont enfin renvoyées vers le patient et son médecin traitant. Si une anomalie est détectée, le patient reçoit une liste des 80 ophtalmologues libéraux de la région (sur 100) prêts à le voir en urgence. Côté finances, l’URPS assure le lobbying auprès de l’agence régionale de santé (ARS), afin de renouveler l’enveloppe annuelle de 100 000 euros allouée au projet. La prochaine étape ? Élargir le champ d’application du dépistage. La tournée de Thibault Martin prévoit désormais un arrêt dans quatre à six établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et dans une dizaine de maisons de santé pluridisciplinaires (MSP).

 ANNE BAYLE-INIGUEZ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9190