Le rôle nocif d’une prise prolongée d’IPP ( plus d’un an) a été évoqué devant la survenue sous traitement d’infections digestives (notamment à Clostridium difficile), d’infections respiratoires, de fractures osseuses, de troubles métaboliques, de néphrites interstitielles et de cancers digestifs.
Concernant l’augmentation du risque de fractures osseuses (tête du fémur, poignet, tassement vertébral) chez les personnes âgées sous IPP, les études épidémiologiques sont globalement concordantes, même si elles sont parfois contestées. Les mécanismes impliqués sont essentiellement une diminution de l’absorption digestive du calcium du fait de l’augmentation du pH gastrique, et peut-être aussi par altération de la réabsorption et du remodelage osseux par les ostéoclastes. Ce risque potentiel doit inciter à mesurer la balance bénéfices/risques d'un traitement au long cours par IPP chez des sujets âgés, et peut-être à une surveillance accrue de la masse osseuse.
Le rôle des IPP dans la survenue d’infections digestives ou respiratoires semble moins bien documenté. L’augmentation du pH gastrique sous IPP favorise la prolifération bactérienne dans le tube digestif, et pourrait ainsi induire la prolifération de bactéries pathogènes telles que C. difficile, salmonelles, shigelles ou campylobacter. Dans ce contexte, la prise d’IPP au long cours chez les patients cirrhotiques devrait être correctement évaluée.
L'augmentation du risque de pneumonies communautaires ou nosocomiales due à une prise prolongée d’IPP, également suggérée par plusieurs études, pourrait être la conséquence de micro-inhalations de liquide gastrique enrichi en bactéries.
La prise prolongée d’IPP pourrait être à l’origine, par malabsorption, d’hypomagnésémie, de carences en fer, en vitamine B12, et en zinc. Les conséquences cliniques de ces déficits restent à démontrer, mais la Food and Drug Administration a recommandé en 2011 une surveillance du taux de magnésium chez les patients sous IPP au long cours présentant des comorbidités chroniques ou sous diurétiques.
Les IPP ont été évoqués comme source potentielle de néphrite interstitielle, notamment l’oméprazole, mais les cas sont rares interdisant toute conclusion définitive, et il n’est pas conseillé de surveiller la fonction rénale chez les patients sous IPP au long cours.
Adénocarcinome : un risque à préciser
La modification du pH gastrique et de la flore gastrique et intestinale par la prise prolongée d’IPP favorise l’émergence de carcinomes gastriques dans des modèles animaux. Chez l’homme, la prise prolongée d’IPP semble associée à un risque accru de polypes gastriques fundiques, et de façon moins convaincante (données plus limitées) à une augmentation du risque d’adénocarcinome gastrique. La relation entre IPP – polype fundique – adénocarcinome reste également à préciser. Il existe potentiellement un effet synergique entre la prise d’IPP et la gastrite à H. pylori (Hp) sur la carcinogenèse, ce qui doit inciter à la prudence, voire à l’éradication d’Hp chez les patients nécessitant un traitement prolongé par IPP. L’hypergastrinémie induite par la prise prolongée d’IPP induit une hyperplasie des cellules ECL chez le rat, et potentiellement des tumeurs carcinoïdes, mais cet effet n’a jamais été retrouvé chez l’homme ou dans d’autres espèces animales.
Enfin, il faut évoquer la possibilité d’un risque cardiovasculaire lié à la prise prolongée d’IPP. Des études controversées ont montré une diminution d’efficacité du clopidogrel en association avec l’oméprazole (interaction métabolique sur le cytochrome P450 2C19), d’autres auteurs évoquent la possibilité d’une diminution de la production endothéliale de monoxyde d’azote (NO) chez les patients sous IPP.
Tous ces éléments doivent inciter à la prudence : prescrire les IPP, oui, mais à bon escient, et le moins longtemps possible !
Université Lyon 1, Hospices Civils de Lyon
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