Face à la pénurie de greffons, des solutions innovantes sont essentielles pour augmenter le pool de donneurs afin de répondre aux besoins. Une équipe suisse a mis au point une machine de perfusion capable à la fois de « réparer » un foie abîmé et de le préserver hors du corps pendant une semaine. Cette technique, décrite dans « Nature Biotechnology », permet de recourir à des greffons de qualité jugée trop insuffisante pour être transplantés tel quel.
« Avec l'aide de l'École polytechnique fédérale de Zürich, nous avons développé une machine qui imite le corps humain, en reproduisant ses différentes fonctions : oxygénation, dialyse, régulation hormonale… », explique au « Quotidien » le Pr Pierre-Alain Clavien, chef du département de chirurgie et de transplantation de l'hôpital universitaire de Zürich et co-auteur de l'étude. Le foie peut être maintenu pendant plusieurs jours dans ces conditions.
7 jours pour se régénérer
Jusqu'à présent, les dispositifs existants permettaient de préserver le foie uniquement pendant quelques heures (jusqu'à 24 heures avec les systèmes de perfusion normothermique). « Avec ces systèmes, le foie accumule le glucose avec lequel il est nourri, et arrête de fonctionner au bout de 2 à 3 jours. Notre système automatique imite le rôle du pancréas en libérant insuline et glucagon, ce qui permet de corriger en temps réel le niveau de glucose », précise le Pr Clavien. Théoriquement, le foie pourrait même être préservé au-delà d'une semaine, mais la durée de 7 jours correspond au temps nécessaire au foie pour récupérer des fonctions optimales et se régénérer.
La machine a d'abord été testée chez le porc avec succès, avant d'être utilisée chez l'homme. Dans le cadre de l'étude, les auteurs ont sélectionné dix foies considérés de trop mauvaise qualité pour être transplantés. Six d'entre eux ont récupéré des fonctions normales.
Vers l'autotransplantation
« En Suisse, environ 30 foies sont rejetés tous les ans par les équipes de greffe pour des raisons multiples. On estime qu'avec notre machine, deux tiers d'entre eux pourraient être implantés », indique le chirurgien.
À ce stade, aucun des foies perfusés avec la machine n'a été transplanté. « Le devenir des greffes à partir de ces foies devra être étudié sur le long terme. Il reste encore beaucoup de travail à faire avant qu'ils ne soient utilisés en routine », souligne le Pr Clavien. Pour le moment, l'équipe de Zürich dispose du seul prototype existant.
Le délai d'une semaine permis par la machine ouvre la voie à de nombreuses applications, telles que l'autotransplantation. « Par exemple, chez un patient avec un cancer du foie trop diffus pour être retiré, on pourrait prélever une partie du foie, le mettre dans la machine une semaine pour qu'il se régénère, avant de le réimplanter chez le patient et de retirer l'autre partie malade », avance le Pr Clavien. Le dispositif pourrait également être efficace pour d'autres organes.
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