Motif de consultation
Grâce aux progrès de l’imagerie du foie, notamment de l’échographie et du scanner, la découverte fortuite d’un nodule hépatique asymptomatique est un motif de consultation de plus en plus fréquent. Le diagnostic étiologique de ces nodules fait appel à une démarche diagnostique bien codifiée, afin de décider de la conduite thérapeutique à adopter.
Certains diagnostics sont aisément évoqués au cours de l’échographie, comme les kystes biliaires et les angiomes, dont l’aspect est caractéristique. Pour tous les autres cas de figures, la démarche repose sur deux points essentiels : la confirmation d’un foie non tumoral sain et l’étude de la vascularisation tumorale.
En effet, certaines formes de cirrhose peuvent être asymptomatiques, avec des perturbations biologiques minimes ou inexistantes, et sont parfois difficiles à identifier. Des facteurs étiologiques doivent être soigneusement recherchés, notamment une infection par le virus de l’hépatite B ou celui de l’hépatite C, des perturbations métaboliques, une consommation excessive d’alcool, une surcharge en fer… En cas de doute, il faut parfois avoir recours à une biopsie du foie non tumoral. La présence d’une cirrhose doit faire suspecter en priorité un carcinome hépatocellulaire et conduire à la biopsie du nodule.
Lorsque la certitude que le foie est sain est établie, l’étude de la vascularisation tumorale, en IRM avec injection de gadolinium ou lors d’une échographie de contraste, permet de classer les tumeurs selon leur vascularisation au temps artériel.
L’absence d’hypervascularisation ne permet pas de conclure. De nombreux diagnostics sont alors possibles, notamment des métastases, et une biopsie est donc nécessaire.
Lésions hypervascularisées : HNF ou adénome ?
En revanche, l’hypervascularisation au temps artériel indique la nature hépatocytaire primitive et permet de suspecter deux diagnostics principaux : l’adénome ou l’hyperplasie nodulaire focale (HNF), le carcinome hépatocellulaire étant exceptionnel sur foie sain. L’hyperplasie nodulaire focale, qui correspond à une réponse hyperplasique focale, secondaire à une hypervascularisation artérielle localisée, est caractérisée à l’IRM par une zone fibreuse centrale richement vascularisée, d’où partent des cloisons fibreuses, donnant à la tumeur un aspect lobulé, sans capsule, ni phénomène hémorragique ou nécrose localisée. L’IRM assure le diagnostic de certitude dans 70 % des cas d’HNF, permettant de rassurer le patient et d’arrêter les explorations et la surveillance. Dans les 30 % de cas restant, l’aspect à l’IRM avec injection de gadolinium est atypique. L’utilisation d’un produit de contraste à élimination biliaire peut alors être utile, bien que cette technique soit encore peu développée, en montrant une fixation prolongée du marqueur en cas d’HNF.
Devant toute lésion n’étant pas identifiée avec certitude comme une HNF en imagerie, une biopsie doit être discutée et dépend de la taille de la tumeur. En cas de nodule de moins de 3 cm de diamètre, s’il s’agit d’un adénome, les études montrent que les risques de saignement ou de cancérisation sont très faibles ; une surveillance peut alors être proposée. Au-dessus de 3 cm, la biopsie est généralement admise, afin de différencier une HNF d’un adénome et d’éliminer tout diagnostic de carcinome hépatocellulaire.
Caractérisation moléculaire des adénomes
Lorsqu’un diagnostic d’adénome est posé, la démarche actuelle est de proposer une exérèse en raison du risque hémorragique et de dégénérescence. Mais cette attitude va probablement évoluer dans un proche avenir, du fait des progrès récents réalisés dans la caractérisation des adénomes en biologie moléculaire.
On sait désormais identifier certaines mutations conduisant à la formation d’un adénome. Plusieurs catégories d’adénome peuvent ainsi être distinguées.
La première regroupe les adénomes présentant une mutation HNF1α (Hepatocyte Nuclear Factor α). Il s’agit d’adénomes caractérisés par une stéatose importante, sans inflammation, ni anomalies cytologiques. HNF1α est un facteur transcriptionnel contrôlant l’expression hépatique de nombreux gènes, dont celui de la protéine L-FABP (Liver-Fatty Acid Binding Protein). Lorsque le gène codant pour HNF1α est muté, il existe un déficit en L-FABP identifiable en immunohistochimie, lui-même responsable d’une perturbation du métabolisme des acides gras, qui contribue au phénotype stéatosique de l’adénome. Ces adénomes, retrouvés dans 35 à 50 % des cas, exposent à un faible risque hémorragique et ont un très faible potentiel de cancérisation. Une attitude de surveillance pourrait donc être proposée en cas de diagnostic d’adénome HNF1α mutés.
La deuxième catégorie correspond aux adénomes ayant une activation de la ß-caténine, associée à un risque élevé de dégénérescence. Ces adénomes présentent des anomalies cytologiques et ont parfois un aspect proche de celui des carcinomes hépatocellulaires bien différenciés. Les mutations du gène de la ß-caténine peuvent être identifiées en immunohistochimie par l’étude de la fixation des anticorps dirigés contre la protéine, ou par un marquage de la glutamine synthétase, moins spécifique mais plus sensible. Une exérèse est recommandée.
Adénomes infammatoires
Enfin, les adénomes inflammatoires, autrefois désignés sous le terme d’HNF télangiectasiques, fréquents, sont caractérisés par l’existence de dilatations sinusoïdales, d’un infiltrat inflammatoire polymorphe lympho-histiocytaire et par une forte expression des protéines inflammatoires en immunohistochimie. L’anomalie moléculaire en cause concerne la voie de phosphorylation de STAT 3 et implique les corécepteurs de l’IL-6. Cliniquement, ces adénomes sont fréquemment associés à un syndrome métabolique, une stéatose du foie non tumoral et une consommation excessive d’alcool. Le risque de cancérisation n’est pas négligeable en raison de la coexistence de mutations du gène de la ß-caténine dans environ 20 % des cas, et le risque hémorragique est élevé, du fait de la dilatation sinusoïdale. Leur exérèse est donc le plus souvent proposée.
D’après un entretien avec le Pr Dominique Guyader, service des maladies du foie, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes.
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