Par les Prs Jacques Paineau *, Antoine Hamy **, Jean Gugenheim ***
DEPUIS que des cholécystectomies ont été réalisées, les plaies accidentelles de la voie biliaire extrahépatique (VBEH) sont apparues comme une complication possible et souvent grave. Leur fréquence a brusquement augmenté avec l’avènement de la voie cœlioscopique, pour atteindre jusqu’à 3 à 4 fois celle des actes réalisés par laparotomie. Avec l’habitude de la cœlioscopie, cet accident tend à redevenir plus rare, mais reste présent avec une fréquence actuelle de 0,5 à 1 % (contre 0,1 à 0,5 % pour la laparotomie).
Différents facteurs de risque ont pu être identifiés comme augmentant ce risque : l’inflammation pédiculaire, l’obésité, les antécédents chirurgicaux, une anomalie anatomique biliaire (fréquente), des difficultés de dissection, une hémorragie peropératoire. Le rôle « préventif » de la radiographie biliaire peropératoire (cholangiographie) est discuté, mais cet examen peut éviter certaines plaies ou en faire reconnaître une lors de la cholécystectomie, supprimant un retard diagnostique toujours préjudiciable. La spécialisation hépatobiliaire du centre et du chirurgien prenant en charge le patient pour la réparation est également reconnue.
Le rapport de l’Association française de chirurgie (AFC) concernant cette complication en France comporte une enquête, non exhaustive, montrant qu’elle est toujours présente, 640 observations ayant pu être colligées. Le diagnostic (triade diagnostique associant plus ou moins ictère, cholépéritoine et fistule biliaire extériorisée) reste souvent postopératoire, voire tardif. La gravité de cet accident se manifeste dans cette série de l’AFC par le nombre d’interventions nécessaires (en moyenne 2,2 par patients, extrêmes de 1 à 7), le risque de décès (19 patients) ou celui d’hépatectomie (36 patients dont 2 transplantés). Les réparations différées (› 1,5 mois) donnent statistiquement de meilleurs résultats que les réparations immédiates ou précoces (‹ 1,5 mois).
Informations utiles pour la prise en charge.
Une revue de la littérature récente apporte ou confirme quelques données utiles pour la prise en charge de ces accidents.
• Une réparation immédiate (même temps opératoire que la cholécystectomie) est possible par suture ou anastomose au fil résorbable de petit calibre en l’absence d’inflammation, si la plaie biliaire est franche (non électrique), si les moignons biliaires sont bien vascularisés et s’ils peuvent être suturés sans tension. Un drain biliaire externe, glissé par une autre voie que la suture bilio-biliaire, est souhaitable. Le maintien d’une voie cœlioscopique est jugé dangereux et la conversion est recommandée.
• Le transfert rapide en centre spécialisé est conseillé en l’absence de spécialisation hépatobiliaire de l’équipe initiale. Il permet de meilleurs résultats, notamment en cas de réparation différée ou tardive.
• Hors réparation immédiate, un bilan préthérapeutique complet est indispensable, associant imagerie biliaire (IRM) et vasculaire (angio-scanner) du fait de la fréquente association de lésions biliaires et vasculaires du pédicule hépatique.
• Les examens d’opacification biliaire (percutanée ou cholangio-pancréatographie rétrograde par voie endoscopique), en raison de leur risque infectieux, ont une place diagnostique limitée et doivent être considérés comme le premier temps d’un acte thérapeutique immédiat éventuel.
• Les interventions exploratrices n’ont plus leur place, mais les gestes de drainage simple de la cavité péritonéale, sans réparation biliaire associée, représentent souvent le premier temps thérapeutique face à une fistule biliaire mal drainée ou un cholépéritoine plus ou moins cloisonné.
• La réalisation d’une anse en Y selon la technique de Hepp-Couinaud, portant sur la convergence, avec une anastomose élargie par ouverture du canal gauche, représente la technique de choix d’une sténose tardive. L’anastomose sera muco-muqueuse et portera sur des tissus (biliaire notamment) bien vascularisés et sans tension. Les autres montages (dérivations duodénales, anse en oméga, plastie de la sténose de la voie biliaire principale, ...) donnent de mauvais résultats à long terme et doivent être évités.
• La place des prothèses biliaires (endoscopique ou radiologique) reste à discuter au cas par cas de façon collégiale et dans les cas où la voie biliaire n’est pas interrompue.
L’incontestable progrès que représente la cœlioscopie pour la réalisation d’une cholécystectomie ne doit pas faire oublier le risque de plaie iatrogène de la VBEH lors du geste opératoire car leurs conséquences sont graves et elles aboutissent souvent à l’ouverture de dossiers médico-légaux. Ces plaies ont vu leurs mécanismes physiopathologiques se modifier : étirement, électrocoagulation, sténose plus ou moins complète avec ou sans section … Il existe une nécessaire collaboration entre les chirurgiens, les endoscopistes et les radiologues interventionnels pour déterminer, au terme d’un bilan morphologique complet, la ou les meilleures séquences thérapeutiques à envisager afin de minimiser les conséquences anatomiques et fonctionnelles biliaires et hépatiques de ces lésions qui peuvent être très tardives.
* Institut de cancérologie de l’ouest-René Gauducheau, Saint-Herblain.
** CHU, Angers.
*** CHU, Nice.
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