Selon une étude de cohorte allemande menée sur plus de 1 600 patients, la prévalence des lésions kystiques pancréatiques, en population générale adulte, était estimée à 46 % (pour des lésions > 2 mm). Dans 93 % des cas, elles étaient infracentimétriques (1). Les TIPMP représenteraient plus de 80 % de l’ensemble de ces lésions. D’après une étude française en population générale adulte (2), la prévalence des TIPMP des canaux secondaires était de 7 %. Mais ce taux augmente avec l'âge et pourrait dépasser 10 % au-delà de 60 ans. Cela suppose que plusieurs centaines de milliers de Français sont porteurs d'une TIPMP.
Une faible évolutivité
Sachant que l’incidence du cancer du pancréas est estimée à 13 000 nouveaux cas par an en France et qu’environ 10 % des cancers se développent sur une lésion de TIPMP préexistante, on peut en déduire facilement que le risque de malignité des TIPMP est très bas. Une très faible partie des TIPMP deviendront des lésions évolutives et potentiellement invasives. Cependant, trois raisons principales nous obligent à proposer à tous les patients concernés une politique de surveillance : l’absence d’outils diagnostiques sensibles et spécifiques concernant le grade de dysplasie des lésions, le pronostic sombre du cancer du pancréas, et le manque de connaissances sur les facteurs de risque d’évolution vers une tumeur maligne. Ce suivi est coûteux, potentiellement invasif (en cas d’usage répété de l’échoendoscopie avec anesthésie générale) et imparfait (développement de cancer d’intervalle entre deux examens de surveillance).
Des recommandations de suivi
Actuellement, les modalités de suivi proposées sont issues de la conférence d’experts européens, publiée en 2018 (3). Elles reposent sur des critères radiologiques et cliniques, ainsi que des indications absolues et relatives de résection chirurgicale (voir tableau et figure).
Quel risque de dégénérescence ?
En 2016, une étude de la Mayo-Clinic a été menée chez 358 patients ayant une TIPMP avec des critères de haut risque ou d’inquiétude, ainsi que 802 sujets présentant une TIPMP sans ces critères. Dans ce dernier groupe, le délai médian pour développer des signes inquiétants ou des critères à haut risque était de 1,9 an [IQR 0,5–5]. Ce risque variait selon la taille du kyste. À cinq ans, il était respectivement de 6,4 %, 11,4 % et 30,3 % pour les kystes inférieurs à 1 cm, de 1 à moins de 2 cm, et de 2 à moins de 3 cm. De même, le risque de cancer à cinq ans, chez les patients sans signes inquiétants ou à haut risque, était de moins de 2 % pour les kystes inférieurs à 3 cm. Dans le groupe avec signes inquiétants, il atteignait 4,1 %. En présence de critères de haut risque, il était de 49,7 % (4). Ainsi, le risque de cancer pour des lésions simples, de moins de 3 cm, est très faible (< 2 %).
Pour une surveillance prolongée
Dans une étude publiée en 2017, portant sur 363 patients suivis plus de cinq ans pour TIPMP des canaux secondaires, le risque de cancer était de 2,4 % au cours des cinq premières années et de 4,4 % passé ce délai. Le risque de malignité (lésion de haut grade ou invasive) atteignait respectivement 4,3 % et 5,5 %. Sur une médiane de suivi de sept ans, une progression était observée chez la majorité des patients. Elle concernait principalement (entre le diagnostic et la fin du suivi) : une augmentation de taille (14 versus 20 mm), l’apparition d’autres lésions (38 % versus 55 %) et de nodules muraux (2 % versus 13 %). Ces résultats incitent à proposer une surveillance prolongée aux patients (5).
(1) Kromrey M-L et al. Prospective study on the incidence, prevalence and 5-year pancreatic-related mortality of pancreatic cysts in a population-based study. Gut. janv 2018;67(1):138‑45.
(2) Laurent L et al. Estimation of the prevalence of intraductal papillary mucinous neoplasm of the pancreas in the French population through patients waiting for liver transplantation. United Eur Gastroenterol J. juin 2017;5(4):499‑503.
(3) European Study Group on Cystic Tumours of the Pancreas. European evidence-based guidelines on pancreatic cystic neoplasms. Gut. may 2018;67(5):789‑804.
(4) Mukewar S et al. Fukuoka criteria accurately predict risk for adverse outcomes during follow-up of pancreatic cysts presumed to be intraductal papillary mucinous neoplasms. Gut. 2017;66(10):1811‑7.
(5) Pergolini I et al. Long-term Risk of Pancreatic Malignancy in Patients With Branch Duct Intraductal Papillary Mucinous Neoplasm in a Referral Center. Gastroenterology. 2017;153(5):1284-1294.e1.
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