L’automne dernier, l’Association française pour l’étude du foie (AFEF) publiait les premières recommandations nationales sur le diagnostic et la prise en charge de l’encéphalopathie hépatique (EH) sur cirrhose (1). Une démarche motivée notamment par le manque de connaissance de cette pathologie fréquente, qui conditionne le pronostic et la qualité de vie des patients et des aidants, alors qu’elle peut bénéficier d’un traitement efficace. « On estime à environ 80 000 le nombre d’hospitalisations pour EH chaque année en France », rappelle le Pr Dominique Thabut, qui a coordonné ces recommandations.
Deux formes : clinique ou minime
Deux types d’EH sont distingués. L’EH clinique, dont le diagnostic est relativement facile face à un flapping, un ralentissement psychomoteur, une désorientation temporo-spatiale, ou des troubles de la conscience. Il faut toutefois savoir faire le diagnostic différentiel avec une épilepsie ou un syndrome de sevrage, dont le traitement (en l’occurrence les benzodiazépines), précipite l’EH.
Deuxième forme d’EH, qui concernerait de 20 à 60 % des patients atteints de cirrhose : l’EH minime, beaucoup plus difficile à diagnostiquer face à des altérations cognitives peu spécifiques et d’interprétation délicate car dépendant de l’état basal du patient. Il est pourtant essentiel de reconnaître ces formes qui altèrent fortement la qualité de vie des patients et les exposent à un risque accru d’EH clinique.
L’AFEF recommande ainsi de rechercher systématiquement une EH minime chez tous les patients atteints de cirrhose, en s’aidant de l’interrogatoire du patient mais surtout de son entourage, qui aura pu noter une baisse des capacités à effectuer les tâches de la vie quotidienne. Si les tests neuropsychologiques constituent l’examen de référence pour le diagnostic d’EH minime, leur accès reste difficile à de nombreux de patients.
Le test d’énumération des animaux
L’AFEF propose ainsi de réaliser en routine un test de repérage très rapide, qui peut être fait facilement au cabinet médical en moins de deux minutes : le test d’énumération des animaux. Il ne nécessite aucun matériel en dehors d’un chronomètre, d’une feuille de papier et d’un crayon et consiste simplement à faire citer par le patient le plus grand nombre d’animaux en une minute. Un résultat inférieur à 20 en une minute est le seuil retenu pour repérer les patients ayant une forte probabilité d’EH minime, qui doivent alors bénéficier de tests plus approfondis ou d’un test thérapeutique.
« Tous les troubles neuropsychologiques chez un patient atteint de cirrhose ne sont pas liés à une EH », souligne le Pr Thabut. Il faut savoir rechercher d’autres pathologies, comme une démence vasculaire, ce d’autant que les patients atteints de stéatopathie métabolique, une cause croissante de cirrhose, ont souvent une atteinte vasculaire.
Traitement préventif et curatif
La suppression des facteurs précipitants comme la prise de médicaments (psychotropes notamment) est un élément majeur de la prise en charge. L’EH est accessible à des traitements par voie orale : le lactulose, commercialisé, et la rifaximine, toujours en ATU dans l’attente du prix.
Les experts suggèrent de prescrire du lactulose en prévention de l’EH chez tous les patients ayant une hémorragie digestive haute et de traiter tous les patients ayant une EH minime par lactulose ou rifaximine pour réduire le risque d’EH clinique et améliorer la qualité de vie.
En cas d’EH clinique, il faut rechercher et traiter les facteurs précipitants et débuter un traitement par un disaccharide non absorbable (lactulose ou lactitol). La prévention des récidives repose aussi sur le lactulose ou le lactitol, auquel sera associée la rifaximine en cas d’échec. Cette dernière sera administrée seule en cas d’intolérance au lactulose.
D’après un entretien avec le Pr Dominique Thabut (Paris)
(1)https://afef.asso.fr/wp-content/uploads/2019/09/Recommandations-AFEF-Pr…
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