L’incidence annuelle des cancers du pancréas s’élève, pour 100 000 habitants, à 7,7 cas chez les femmes et 11 chez les hommes. Véritable problème de santé publique, elle augmente en moyenne de 2,7 % par an depuis 1990, sans fléchir. Elle a ainsi doublé chez les hommes et triplé chez les femmes entre 1982 et 2012, quel que soit l’âge (figure 1). Quant à la mortalité, elle a peu varié chez l’homme, mais a augmenté chez la femme en parallèle de la hausse de l’incidence. Selon les projections européennes et américaines, il s’agira de la deuxième cause de mortalité par cancer en 2030. Le nombre de décès annuels est estimé à près de 12 000, proche de l’incidence, reflétant ainsi le mauvais pronostic (1-3). En effet, l’adénocarcinome pancréatique est le cancer digestif dont le pronostic est le plus défavorable, avec un taux de survie globale à cinq ans, tous stades confondus, de 7 % à 8 %. Le seul traitement curatif est la résection chirurgicale, malheureusement possible que chez 10 à 15 % des patients. En effet, au moment du diagnostic, 85 % des cancers se présentent avec une extension péripancréatique et/ou métastatique.
De multiples facteurs de risques
Parmi les facteurs de risque endogènes, il existe des formes familiales de cancer pancréatique (au moins deux apparentés au premier degré) dont le gène n’est pas connu, contrairement aux cas de formes familiales avec mutations germinales des gènes BRCA1, BRCA2, PALB2, CDKN2A, MMR ou STK11. Certaines affections pancréatiques sont aussi susceptibles de dégénérer en adénocarcinome : la pancréatite chronique calcifiante éthylique, la pancréatite héréditaire, les lésions kystiques cystadénome mucineux, les tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses. Néanmoins, l’ensemble de ces situations ne sont responsables que de 15 % des cancers du pancréas. Parmi les facteurs endogènes, non génétiques, l’obésité et le diabète sont bien reconnus. Quant aux facteurs exogènes, le tabac est présent chez 25 à 30 % des patients diagnostiqués d’un cancer du pancréas. Pour les autres facteurs, le risque relatif est plus faible concernant l’alimentation riche en protéines et en graisses animales, l’activité physique réduite, l’alcool, le café, l’exposition aux métaux lourds (arsenic, plomb…) ou professionnelle aux rayons X, gamma et au Thorium-232.
Des causes à étudier
On ne connaît pas vraiment les raisons de l’incidence croissante des cancers pancréatiques, mais elle est indépendante de l’augmentation de l’espérance de vie, ou de l’amélioration de l’enregistrement des diagnostics et des décès par cancer. Depuis la fin des années 1990, le progrès dans les méthodes de diagnostic peut participer partiellement à cette croissance. Une explication pourrait aussi être l’augmentation de l’obésité, ainsi que le tabagisme. Celui-ci est certes en baisse, mais sa prévalence se stabilise à encore 25 % en France. La part de la carence en facteurs protecteurs (fruits et légumes, antioxydants, vitamines D et E) et la pauvreté de l’exercice physique sont aussi à évaluer.
Des issues de secours
De nombreux efforts ont été réalisés au cours des vingt dernières années : une meilleure sélection des patients, les progrès de la chimiothérapie et des soins de support permettant de doubler la survie. Des évolutions sont en cours sur les analyses moléculaires à grande échelle avec caractérisation de l’hétérogénéité tumorale, du micro-environnement et l’aide au choix thérapeutique. Cependant, les avancées traînent en termes de dépistage, de diagnostic précoce et de prévention.
Au cours des trente dernières années, un changement encore mal identifié s’est produit dans notre pays, que ce soit au niveau de l’environnement, de l’exposition à des toxiques, et du comportement nutritionnel. Certes, des études plus ciblées sont nécessaires. Depuis quelques années, des programmes ont heureusement été lancés, en particulier par l'Institut national du cancer. Ils concernent la constitution de cohortes clinicobiologiques prospectives, ainsi que le soutien à la recherche translationnelle et clinique sur les cancers de mauvais pronostic, comme l’adénocarcinome du pancréas. Il reste à espérer que ces initiatives nationales aideront à répondre aux questions non résolues : pourquoi une telle augmentation de l'incidence du cancer du pancréas en France ? Quel est le profil des patients porteurs d’un adénocarcinome pancréatique au troisième millénaire ? Quelle est l’influence de l'environnement (rural, industriel, professionnel…) et du niveau socio-économique ? Quels sont les nouveaux cofacteurs potentiels ?
Service de gastroentérologie et pancréatologie, CHU Rangueil-Larrey, Toulouse
(1) Bouvier AM et al. 2017;46(6):1764-72.
(2) Bray F et al. IARC Scientific Publications N°166.http://ci5.iarc.fr
(3) Defossez G et al. Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018. Volume 1 – Tumeurs solides. www.santepubliquefrance.fr
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