Troubles fonctionnels intestinaux

Quelles conséquences sur la sexualité ?

Publié le 25/10/2018
Article réservé aux abonnés
sexualité

sexualité
Crédit photo : Phanie

Le Syndrome de l’Intestin Irritable (SII) est le plus fréquent des troubles fonctionnels digestifs touchant en France 5 à 10 % de la population générale, avec une prédominance féminine (deux femmes pour un homme) (1). Il associe des douleurs abdominales avec des troubles du transit et comporte différents sous-types : SII-D avec diarrhée prédominante, SII-C avec constipation prédominante et SII-M pour les formes mixtes alternant diarrhée et constipation. Si les causes du SII sont encore mal connues, de nombreux mécanismes ont été décrits au niveau périphérique (anomalie de la motricité, de la perméabilité intestinale, du microbiote ou du métabolisme des acides biliaires) et au niveau central (anomalie de la sensibilité viscérale, du contrôle de la douleur). De même, le rôle aggravant du stress, de l’anxiété ou de la dépression a également été répertorié, ainsi que la place importante de l’alimentation.

Qualité de vie et sexualité altérées

Bien que n’étant pas considéré comme une maladie grave avec un risque létal, le SII peut être associé à une altération importante de la qualité de vie, notamment dans les formes sévères qui représentent 20 à 25 % des cas. La détérioration de la qualité de vie est parfois équivalente à celle occasionnée par les affections de longue durée, comme la dépression sévère, le diabète ou l’insuffisance rénale au stade de dialyse (2). Elle peut toucher tous les domaines et notamment celui de la sexualité.

Des études ont montré que le SII pouvait entraîner une dysfonction sexuelle chez 24 à 83 % des patients, avec des douleurs abdominales et de la dyspareunie chez les femmes (3). Aux États-Unis, la dysfonction sexuelle concernerait 36 à 43 % de la population (4). Dans une étude réalisée chez 683 patients avec SII et/ou dyspepsie, sa fréquence (auto déclarée) atteignait 43 % et était liée à la sévérité du trouble perçu (5).

Plus récemment, une étude réalisée aux USA chez 152 patients atteints de SII a montré un possible retentissement sur le conjoint. En effet, 31 % des conjoints pensent que le SII interfère fréquemment, voire toujours, avec la sexualité et qu’il serait notamment pris comme prétexte pour éviter les relations sexuelles (6). Une récente étude française a montré que les conséquences du SII sur la sexualité des patients étaient du même ordre que celles occasionnées par les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, et que les troubles de la sexualité étaient bien supérieurs à ceux des sujets sains (7).

53 % de troubles sexuels chez l’homme

L’Association des Patients Souffrant du Syndrome de l’Intestin Irritable (APSSII, www.apssii.org ) a présenté en 2018 au dernier congrès des JFHOD les résultats d’une enquête en ligne réalisée auprès de 257 adhérents (âge moyen 46 ans, 73 % de femmes, durée moyenne d’évolution de la maladie 7,5 ans). Les participants présentaient pour 50 % une forme sévère de SII, pour 60 % une anxiété et pour 25 % un état dépressif. Le score de qualité de vie était globalement altéré, ainsi que le sous-score évaluant la sexualité. Toutes les femmes incluses et 76 % des hommes étaient sexuellement actifs (dans les 4 semaines précédant l’enquête) et 62,6 % des participants avaient une activité physique. Si 33,5 % des femmes étaient ménopausées, 5,8 % des hommes avaient subi une chirurgie de la prostate. De plus, on comptait 2 % de diabétiques, 11,4 % d’hypertendus, 6,6 % de personnes sous bêtabloquants et 30 % sous antidépresseurs et/ou anxiolytiques. La présence d’une dysfonction sexuelle était recherchée au moyen de questionnaires internationaux validés, chez les femmes avec le Female Sexual Function Index (FSFI, composé de 19 questions portant sur le désir, l’excitation, la lubrification, l’orgasme, la satisfaction et la douleur) et chez les hommes avec l’International Index of Erectile Function (IIEF, centré sur l’érection et avec un sous-score de fonction érectile).

Dans cette enquête, deux tiers des femmes et 53 % des hommes présentaient une dysfonction sexuelle sans lien avec la sévérité ou le score d’anxiété/dépression. Par ailleurs, on retrouvait une dysfonction érectile moyennement sévère chez 38,3 % des hommes et sévère chez 20 % d’entre eux. Sur les 47 conjoints ayant également participé à cette étude, 50 % percevaient la maladie comme une charge, moyenne à sévère pour 13 % d’entre eux (selon le score de Fardeau de Zarit). De plus, 90 % considéraient le SII comme une vraie maladie, ne servant pas de prétexte pour éviter des relations sexuelles.

Ainsi, les résultats de cette dernière enquête, ajoutés aux précédentes données de la littérature, confirment l’impact important du SII sur la vie quotidienne des patients et leur sexualité. Ils devraient nous inciter à mieux questionner nos patients et à orienter une partie de la recherche vers l’étude des mécanismes en question.

Service de Gastroentérologie, Hôpital Avicenne, AP-HP, Bobigny
1. Le Pluart D, Sabate J-M, Bouchoucha M, et al. Aliment Pharmacol Ther. 2015 Apr;41(8):758–67.
2. Gralnek IM, Hays RD, Kilbourne A et al. 2000 Sep;119(3):654–60.
3. Guthrie E, Creed FH, Whorwell PJ. Br Med J Clin Res Ed. 1987 Sep 5;295(6598):577–8.
4. Eugenio MD, Jun S-E, Cain KC et al. Dig Dis Sci. 2012 Jun;57(6):1636–46.
5. Fass R, Fullerton S, Naliboff B et al.Digestion.1998;59(1):79–85.
6. Wong RK, Drossman DA, Weinland SR et al. Clin Gastroenterol Hepatol Off Clin Pract J Am Gastroenterol Assoc. 2013 Feb;11(2):151–5.
7. Rivière P, Zallot C, Desobry P et al. J Crohns Colitis. 2017 Oct 27;11(11):1347–52.

Pr Jean-Marc Sabaté

Source : Bilan Spécialiste