Accusée de laxisme suite à la naissance fin 2018 de deux fillettes manipulées génétiquement, la Chine prépare des sanctions pour les scientifiques tentés de suivre l'exemple du généticien He Jiankui.
Dans le but affiché de rendre résistant au virus du sida, le chercheur avait annoncé avoir réussi à modifier l'ADN des deux nouveau-nés, via l'élimination du gène CCR5 au stade embryonnaire à l'aide de la technique d'édition de gène CRISPR.
Un questionnement planétaire
Une amende pouvant atteindre 100 000 yuans (13 000 euros) et des pénalités 10 à 20 fois supérieures aux revenus illicites perçus suite à des recherches non autorisées, telles sont les sanctions envisagées par l'Empire du Milieu à l'encontre des contrevenants à l'avenir. Une suspension à vie pourrait être prononcée, en cas de circonstances graves.
Totalement inédite, l'expérience chinoise soulève des questions éthiques et a fait réagir le monde entier. Le Pr Axel Kahn s'était exprimé à ce propos dans nos colonnes. Pris par surprise, Pékin avait lancé à l'époque une enquête policière à l'encontre du Pr He Jiankui et suspendu les travaux de ce dernier.
La Chine, qui n'a pas ratifié la convention d'Oviedo, avait été à l'origine d'un tollé planétaire en 2015 suite à la manipulation génétique de 86 embryons par la technique CRISPR-cas9. Si la manipulation génétique sur l'embryon y est officiellement interdite depuis 2003, l'Empire Céleste ne prévoyait aucune peine jusqu'à présent.
Le gène CCR5, une cible pour doper l'intelligence
Ici, la manipulation du gène CCR5 soulève une dimension supplémentaire. Dans une étude américaine publiée la semaine dernière dans « Cell », le neurobiologiste Alcino Silva de l'université de Californie (Los Angeles) confirme l'idée selon laquelle la mutation du gène CCR5 pourrait améliorer les performances cognitives et intellectuelles.
Après avoir montré en 2016 que le gène en question est lié à la mémoire et à l'apprentissage chez la souris, le chercheur californien indique que les personnes déficientes pour le gène CCR5 présentent une meilleure récupération après un accident vasculaire cérébral.
La crainte du transhumanisme
La manipulation chinoise soulève ainsi la crainte de créer un nouveau type d'humains super intelligents. « Cela fait longtemps que j'étudie l'impact du CCR5 sur les fonctions cognitives de la souris, a déclaré Miou Zhou, de l'université occidentale des sciences de la santé en Californie. Je me souviens que la première réaction a été : pourquoi donc a-t-il choisi le CCR5 pour créer les premiers bébés OGM ? »
Le Pr He Jiankiu avait d'ailleurs reconnu, lors d'un sommet de génie génétique l'an dernier à Hong Kong, qu'il était au courant du lien potentiel entre le gène CCR5 et l'intelligence, établi par ses confrères Silva et Zhou deux ans plus tôt.
Alors qu'une deuxième femme serait enceinte à la suite de manipulations similaires, a révélé le généticien chinois, Pékin a décidé que cette femme et les deux fillettes seraient placées sous suivi médical. « Il n'y avait aucune raison de faire subir à ces deux bébés une procédure médicale inédite et potentiellement très dangereuse qui peut modifier leur existence », estime quant à lui le Pr Silva.
Avec AFP
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