À l'occasion de la Journée internationale des malades rares du 28 février, les membres de la plateforme Maladies rares alertent sur le désintérêt des laboratoires pharmaceutiques et de la Banque publique d'investissement vis-à-vis des maladies les plus rares.
Début janvier, Pfizer annonçait vouloir « externaliser » la majorité des programmes de maladies rares à un stade précoce en neurologie et en cardiologie, et revendre les programmes de thérapie génique qui n'ont pas encore fait l'objet d'essais cliniques.
« Il y a une dizaine d’années, il y avait des investissements importants dans les maladies rares, y compris extrêmement rares, se souvient la présidente de l'AFM-Téléthon, Laurence Tiennot-Herment. Mais ces deux ou trois dernières années, on a observé un recentrage des laboratoires sur les maladies les moins rares pour lesquelles il y a un marché. » Les maladies ultra-rares représentent pourtant 85 % des 7 000 maladies rares répertoriées, et 95 % d'entre elles n'ont pas de traitement curatif.
Promouvoir un « modèle non commercial »
Pour Laurence Tiennot-Herment, le désintérêt pour les maladies ultra-rares s'illustre à travers le cas du syndrome de Crigler-Najjar, un déficit complet de l'activité hépatique de la bilirubine qui touche une naissance sur un million. L'AFM-Téléthon a financé, à hauteur de 30 millions d'euros, une thérapie génique qui a déjà été expérimentée sur six patients et dont les premières données indiquent qu'ils peuvent désormais se passer de photonthérapie.
« Le problème est que nous avons besoin de 30 millions supplémentaires et qu'aucun investisseur n'est intéressé pour prendre le relais, soupire-t-elle. Nous nous sommes adressés à la banque publique d'investissement, et ils ne veulent pas non plus s'engager car ils n'y voient pas de rentabilité commerciale. »
Pour contrer cette tendance de fond, la plateforme Maladies rares veut promouvoir la mise en place de nouvelles réponses : l’AFM-Téléthon propose ainsi la création de Fiturare, un fonds public d’intervention et d’innovation pour les traitements de maladies ultra-rares sans perspectives de rentabilité commerciale. Il faut un quatrième plan Maladies rares pour coordonner la mise en place d'un tel fond, martèle Laurence Tiennot-Herment, déjà relativement peu satisfaite du troisième actuellement déployé. « Cette fois, il faut que ce soit un plan transministériel qui associe les ministères de la Santé, de la Recherche, de l'Économie, des Finances et de l'Industrie », poursuit-elle.
Le financement pérenne d'un fonds comme Fiturare pourrait provenir de l’Assurance-maladie, propose l'Alliance Maladies rares, mais aussi de l’industrie pharmaceutique pour compenser la défaillance du marché. Ces traitements sans perspectives commerciales pourraient ensuite être mis à disposition des patients dans le cadre des dispositifs existants d’accès compassionnel.
Un nouveau règlement européen prometteur
Également membre de la plateforme Maladies rares, Yann Le Cam, PDG de l'association à but non lucratif Eurordis, fulmine face au monopole des entreprises pharmaceutiques. « On nous dit que seules les grandes pharma peuvent investir dans ces pathologies-là. C'est faux !, affirme-t-il. Nous sommes dans la haute couture et le traitement individualisé, pas dans de la grande industrie. »
Yann Le Cam mise beaucoup sur le futur règlement pharmaceutique européen, dont une première version devant être présentée fin mars a déjà fuité. « C'est historique car ce texte, qui doit encore être longuement discuté, encadrera la politique européenne du médicament pour les 20 prochaines années, explique-t-il. La version qui nous est parvenue contient de très bonnes choses pour les maladies rares, comme la possibilité de moduler les investissements de manière à pousser au développement de traitements pour des pathologies sans marché. »
Yann Le Cam appelle de ses vœux la possibilité de financer le développement complet de thérapies par des organismes publics qui les mettraient ensuite à disposition des patients.
Une campagne pour contrer l'errance diagnostique
Un quart des patients doivent attendre quatre ans en moyenne après les premiers symptômes avant d'être adressés à un centre qualifié. Cette errance diagnostique est liée à la méconnaissance des médecins généralistes. « Il y a déjà eu trois plans nationaux Maladies rares, mais 37 % des médecins généralistes déclarent ne pas les connaître », explique Laurence Tiennot-Herment.
Le 28 février, l’Alliance Maladies rares lance une campagne de sensibilisation aux maladies rares, à l’errance diagnostique et aux solutions qui existent. Celle-ci prendre appuie sur une brochure d’information et des affiches destinées aux cabinets médicaux.
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