DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE CISPLATINE, un médicament anticancéreux voisin des alkylants, a considérablement amélioré la chimiothérapie de nombreux cancers, cependant son utilisation est limitée par une incidence élevée d'ototoxicité irréversible. En effet, il induit une perte auditive bilatérale sévère chez 10 À 25 % des adultes, voire 50 % des individus recevant de fortes doses, et chez jusqu'à 61 % des enfants. Chez ces derniers, l'impact de la perte auditive est particulièrement important, puisque même des baisses auditives légères peuvent compromettre chez l'enfant le langage et le développement cognitif.
De plus, l'ototoxicité du cisplatine amène souvent à diminuer les doses ou arrêter prématurément le traitement par cisplatine.
Variable d’un individu à l’autre.
Puisque l'ototoxicité d'une même dose de cisplatine est très variable d'un individu à l'autre, il est fort possible que des variations de gènes, qui encodent des enzymes métabolisant les médicaments, puissent rendre certains individus plus susceptibles de développer une ototoxicité sous traitement par cisplatine.
Afin d'identifier de tels variants, Colin Ross (University of British Columbia, Vancouver) et coll. ont analysé, dans une étude de cas-témoins, 220 gènes intervenant dans l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'élimination des médicaments.
Ils ont étudié une première cohorte de 54 enfants traités par cisplatine (cohorte de découverte, hôpital de Vancouver), parmi lesquels 33 souffraient d'une ototoxicité sévère du cisplatine (CTCAE grade 2 à 4) et 20 ne souffraient d'aucune perte auditive (33 cas, 20 témoins).
Ils ont ensuite étudié une seconde cohorte de 109 enfants traités par cisplatine (cohorte de réplication, hôpitaux canadiens), parmi lesquels 73 (66 %) souffraient d'une ototoxicité sévère (73 cas, 36 témoins).
L'ADN des enfants a été génotypé pour environ 2 000 variations SNP réparties dans les 220 gènes candidats.
Cela a permis de découvrir que des variants SNP dans les gènes TPMT (thiopurine S-méthyltransférase ; rs12201199, OR = 17) et COMT (catéchol O-méthyltransférase ; rs9332377, OR = 5,5) sont fortement liés à la surdité induite par le cisplatine. Ces deux variants à risque sont responsables de la moitié des cas d'ototoxicité du cisplatine.
Des variants de TPMT chez les Africains.
Le variant à risque du gène TPMT est présent chez seulement 5 % des Européens et 1,7 % des Asiatiques, mais existe chez 51,7 % des Africains. On savait que les individus afro-américains sont plus susceptibles de développer une néphrotoxicité induite par le cisplatine, mais l'influence de l'origine africaine sur le risque d'ototoxicité du cisplatine n'avait pas encore été rapportée.
Pour les chercheurs, « l'ototoxicité du cisplatine pourrait être liée à des taux accrus de SAM (S-adénosylméthionine) à travers une activité réduite de TPMT ou COMT ».
Ces résultats doivent être confirmés dans d'autres cohortes d'enfants, notent les chercheurs, avant d'envisager une application clinique.
Il sera aussi nécessaire d'étudier ces variants dans la population adulte, afin de comprendre leur contribution à l'ototoxicité du cisplatine chez les adultes.
Enfin, il est probable que d'autres facteurs génétiques sont également impliqués ; une étude d'association génomique pourrait dès lors représenter une prochaine étape précieuse pour identifier ces facteurs supplémentaires.
L'identification de ces variants génétiques permettra de développer des marqueurs prédictifs afin de réduire l'incidence de l'ototoxicité du cisplatine et ainsi améliorer les résultats de la chimiothérapie.
Nature Genetics 8 novembre 2009, Ross et coll., DOI: 10.1038/ng.478
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