Pneumopathies, thromboses veineuses, insuffisances rénales, infarctus du myocarde… Le risque d’effets indésirables sévères associés à la prescription d’antipsychotiques dans la démence semble plus important qu’identifié jusqu’alors. Tels sont les résultats d’une étude britannique d’après les données du National Health Service sur une période de 20 ans (1998-2018) au cours de laquelle le diagnostic de démence a été posé chez plus de 170 000 adultes d’au moins 50 ans. Environ 35 000 patients recevant des antipsychotiques ont été recensés.
Alors que l’efficacité dans cette indication reste limitée, cette famille médicamenteuse reste trop prescrite pour des symptômes tels qu’une irritabilité, une agressivité, une apathie, un délire, une dépression ou de l’anxiété. En France, la Haute Autorité de santé a sonné l’alerte en 2009 sur les neuroleptiques dans la maladie d’Alzheimer. Mais, « les antipsychotiques sont couramment utilisés chez les personnes âgées pour contrôler certains symptômes comportementaux et psychologiques de la démence », rapporte fin janvier 2024 l’Assurance-maladie sur son site ameli déplorant que le traitement soit « souvent maintenu de manière chronique en dépit de l’absence d’indications documentées ».
Les signaux de pharmacovigilance sont pourtant déjà nombreux, en particulier pour les risques de décès et d’accident vasculaire (AVC) ischémique, connus depuis 2003 chez les sujets atteints de démence. Et concernant les effets indésirables déjà identifiés et variés des neuroleptiques (symptômes extrapyramidaux, altération de la démarche et chutes, somnolence, œdème, infections des voies urinaires, gain pondéral), « les personnes plus âgées sont souvent plus à risque de les subir », souligne encore l’Assurance-maladie.
Un risque doublé de pneumopathies
Les auteurs de cette étude parue dans le British Medical Journal (BMJ) vont plus loin. « L'emploi d'antipsychotiques (...) chez les adultes atteints de démence est associé à des risques accrus d'accident vasculaire cérébral, de maladie thromboembolique veineuse, d'infarctus du myocarde, d'insuffisance cardiaque, de fracture, de pneumonie et d'insuffisance rénale aiguë », énumèrent-ils.
Ici, les antipsychotiques les plus prescrits étaient la rispéridone (29,8 %), la quétiapine (28,7 %), l’halopéridol (10,5 %), et l’olanzapine (8,8 %), qui totalisent à eux seuls près de 80 % de toutes les prescriptions. En France, comme au Royaume-Uni, où a été menée l'étude du BMJ, seuls la rispéridone et l'halopéridol sont autorisés dans la démence.
Par rapport aux patients non traités par antipsychotiques, le risque apparaît doublé pour les pneumopathies, celui d’insuffisance rénale aiguë majoré de 72 %, celui de thrombo-embolie veineuse de 60 % comme celui d’AVC, celui de fracture de 43 %, celui d’infarctus du myocarde et d’insuffisance cardiaque de 27-28 %.
Gérer les troubles du comportement autrement
Ce travail, mené en examinant a posteriori des données issues du système de soins britannique, ne peut toutefois pas établir de rapport direct de cause à effet. Mais plusieurs neurologues et gériatres ont salué le sérieux de la méthodologie et le caractère important d'une telle étude, à un moment où les antipsychotiques connaissent un regain de prescriptions depuis la crise du Covid.
« Le risque, c'est que des patients se voient prescrire des antipsychotiques dangereux, pour la seule raison qu'il n'y a pas assez de personnel soignant qualifié pour gérer leur comportement », a commenté le neurologue Charles Marshall dans une réaction au Science Media Center britannique, admettant que ces traitements peuvent être justifiés dans de rares cas. « La place des neuroleptiques dans la maladie d’Alzheimer est limitée », écrivait la HAS en 2009, ajoutant que « les neuroleptiques constituent une mauvaise réponse à une vraie question dans deux situations cliniques », à savoir les troubles du comportement perturbateurs et les épisodes de confusion aiguë.
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