LE QUOTIDIEN. Pourquoi proposer une BD sur le métier de gériatre ?
Dr FANNY DURIG : Le métier est mal connu, autant par la sphère médicale et soignante que par le grand public. La profession fait l’objet de nombreuses interrogations dépréciatives. Les gens imaginent que c’est un métier forcément très dur, que le mode d’exercice se limite uniquement à une activité en Ehpad… Si cette méconnaissance n’est pas toujours teintée de mépris ou de négativité, on a tout de même le sentiment qu’elle porte préjudice aux personnes âgées car elle peut conduire à des carences en soins. L’entourage d’un sujet âgé ne va pas forcément avoir le réflexe de s’adresser à un gériatre. Nous le remarquons aussi pour le corps soignant qui ne pense pas toujours à nous contacter dans des situations où c’est pourtant notre cœur de métier et où nous avons une réelle expertise. Avec cette BD, nous nous adressons principalement aux professionnels de la santé non formés à la gériatrie pour qu’ils comprennent davantage notre quotidien et n’hésitent plus à nous solliciter.
Comment expliquez-vous que cette spécialité soit souvent délaissée par les étudiants lors des choix des ECN ?
C’est une spécialité récente officiellement créée en 2004. Le DES n’est arrivé qu’en 2017. L’air de rien, cela doit rentrer dans les mentalités. Avant 2004, beaucoup d’étudiants, comme moi, ont découvert la gériatrie pendant des stages et – se découvrant une passion - se sont spécialisés. Dans ce sens, le monde de la gériatrie [la société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), le collège national des enseignants de gériatrie (CNEG), le conseil national des professionnels de gériatrie (CNP) et l’AJG] a toujours réclamé qu’un stage obligatoire soit introduit dans le cursus des externes. C’est essentiel ! Quasiment tous les médecins vont être confrontés à des patients âgés – avec des présentations cliniques spécifiques - pendant leur carrière. Découvrir cette spécialité plus tôt dans la formation donnerait une image plus positive de la filière. Les étudiants pourraient prendre conscience que la gériatrie, ce n’est pas que la fin de vie. Cela comporte un aspect médico-social et psychosocial très important, de la technique et de la réflexion éthique. Le fait que l’activité libérale soit peu développée en gériatrie est également un facteur qui joue sur l’attractivité de la spécialité. Aujourd’hui, les jeunes veulent pouvoir choisir leur mode d’exercice et la possibilité de s’orienter vers le libéral est un critère pour eux.
Pourquoi l’activité libérale est si peu représentée en gériatrie ?
Une très grande majorité des gériatres exercent à l’hôpital, en public ou privé, en Ehpad ou encore au sein d’équipes mobiles de gériatrie – adossées aux hôpitaux. Le libéral représente une infime partie de la profession car aujourd’hui il n’est pas facile d’être rentable sans dépassements d’honoraires. À ce jour, l’exercice libéral se fait quasi exclusivement en secteur 2. Les tarifs de la Sécu ne sont pas du tout à la hauteur du temps consacré à la consultation. Le principe de base de la gériatrie est de soigner le patient dans absolument toutes ses dimensions. Cela requiert une évaluation médicale longue qui comprend à la fois une évaluation mimique [dépression, NDLR], cognitive, sociale et fonctionnelle. Cette consultation est chronophage, on ne peut pas aller aussi vite qu’avec un patient lambda. En général, il faut compter entre 1 h 30 et 2 heures. Si l’on veut améliorer l’attractivité de la gériatrie, il faut revaloriser l’acte et c’est tout l’enjeu des négociations conventionnelles qui se jouent actuellement.
Avec le vieillissement de la population et la hausse des maladies chroniques, nous avons pourtant, plus que jamais, besoin de gériatres…
Oui… C’est une certitude. D’ailleurs, nous sommes déjà en très grandes difficultés ! Par manque de médecins et de personnels paramédicaux (infirmiers, aides-soignants), de nombreux lits en gériatrie ferment chaque année. Cette tendance risque de s’accentuer de manière dramatique. Il y a aussi un gros manque de médecins coordonnateurs – qui ne sont pas forcément gériatres — dans les Ehpad. Même si des postes restent vacants à l’issue du choix des ECN, le nombre de postes octroyés par le ministère est inférieur au besoin et à ce qui a été réclamé par le CNP.
Qu’attendez-vous de la nouvelle ministre de la Santé, Catherine Vautrin ?
Depuis de long mois, le monde de la gériatrie est en attente de la loi grand âge qui avait été promise par le gouvernement et qui n’a toujours pas été édictée. Il est essentiel de donner des moyens supplémentaires pour renforcer l’accompagnement des personnes âgées que ce soit à domicile ou à l’hôpital. Un effort est aussi attendu sur la rémunération des soignants.
Le gouvernement travaille actuellement sur un nouveau texte sur la fin de vie, qu’en espérez-vous ?
Nous avons lancé une enquête auprès des jeunes gériatres pour savoir quel était leur point de vue sur la question. Les avis sont assez univoques sur le plan de l’euthanasie qui semble être mal acceptée. C’est plus nuancé sur le suicide assisté. Nous sommes toutefois encore en cours d’analyse. La question de l’aide active à mourir et des soins palliatifs sont deux sujets différents. Nous remarquons toutefois de réelles carences en matière de soins palliatifs sur le territoire. Les disparités sont très importantes selon les zones. Nous demandons donc à ce que de vrais moyens soient alloués pour permettre des fins de vie à domicile.
Un mot pour des internes désireux d’embrasser le métier de gériatre ?
Foncez, c’est un métier où l’on s’éclate ! Je vis chaque jour des joies immenses ! Un des plus grands plaisirs de mon métier, c’est quand je remets les gens debout !
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?