Les naissances ne cessent de diminuer en France. En cinquante ans, nous sommes passés de 888 000 naissances, en 1973, à 678 000 en 2023. Les chiffres 2024 ne sont pas connus à l’heure où ces lignes sont écrites mais seront probablement à la baisse, au vu des données enregistrées jusqu’à octobre. Certes, il y a eu une légère remontée des naissances en 2014 et en 2021, mais globalement, elles ne cessent de diminuer, en France comme dans la plupart des pays.
Deux explications à la dénatalité
Le nombre de naissances dépend à la fois du nombre de femmes en âge de procréer et de leur fécondité. La population féminine de 20 à 40 ans – âges où les femmes sont les plus fécondes – se stabilise depuis 2016 ; les évolutions récentes s’expliquent donc principalement par l’évolution de la fécondité, qui est passé de 2 enfants par femme en 2014 à 1,68 enfant par femme en 2023. Cette chute des naissances (certains parlent de dénatalité) s’explique par une augmentation de l’infécondité volontaire, c’est-à-dire le non-désir d’enfant, et de l’infécondité involontaire, c’est-à-dire l’infertilité. Il est impossible de faire nettement la part entre les deux.
D’après une enquête Ifop en 2022, le non-désir d’enfant touchait alors 13 % des femmes, contre 2 % en 2006. Ce taux s’élevait à 23 % chez les femmes de 15 à 24 ans et 17 % chez les 25-34 ans ; il était de 23 % chez les femmes qui se disent très écologistes et de 25 % chez celles qui se disent très féministes ! Les raisons mises en avant sont socio-économiques, liées au contexte géopolitique inquiétant, mais aussi à un désir d’épanouissement personnel, à la difficulté de concilier vie privée et vie professionnelle et, pour certaines, à un sentiment d’écoresponsabilité.
Les médias glorifient les grossesses tardives en oubliant de préciser leurs conditions
Dr Joëlle Belaisch Allart
De l’autre côté, l’infécondité involontaire – l’infertilité – va elle aussi en augmentant. Le désir d’enfant est de plus en tardif, chez la femme comme chez l’homme, alors que la fertilité, spontanée ou après traitement, chute dramatiquement avec l’âge. Il est facile (et pour moi bien dommageable) de mettre en cause les études des femmes, leur carrière, la légalisation de la contraception et de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), mais d’autres causes commencent à émerger dans les enquêtes. Notamment l’ignorance, voire le déni, de la chute de la fertilité avec l’âge – déni encore plus marqué chez les hommes –, la glorification excessive des grossesses tardives des célébrités par les médias – qui oublient souvent de préciser qu’il s’agit de grossesses obtenues par don d’ovocytes –, et enfin une confiance malheureusement imméritée dans l’assistance médicale à la procréation (AMP). Certes, l’AMP est un vrai progrès qui permet à beaucoup de couples infertiles – mais pas à tous – de devenir parents, mais elle est d’autant plus efficace que la femme est jeune. Ainsi, selon les données de l’Agence de biomédecine 2023, le taux d’accouchement pour une ponction d’ovocytes en FIV est de 18,6 % avant 30 ans mais de seulement 6,3 % à 40 ans. L’AMP n’est pas une baguette magique qui rajeunit les ovaires ou les testicules. Ainsi, le désir tardif de grossesse est désormais reconnu comme une des causes majeures d’infertilité, à côté des causes environnementales et médicales.
Redonner envie des faire des enfants
Si on veut lutter contre la dénatalité, il faut donc s’attaquer aux deux types d’infécondités. Pour l’infertilité, c’est relativement simple : informer, comme le propose le plan fertilité coordonné par Samir Hamamah, et faciliter l’accès à l’AMP, tout en alertant sur ses limites. Pour l’infécondité volontaire, le problème est majeur. Certes, certains écologistes considèrent qu’une diminution de la population sur Terre serait une bonne nouvelle, mais les conséquences humaines risquent d’être redoutables. Elles commencent déjà à se faire sentir : fermeture de classes, réaménagement des maternités, suppressions d’emploi ; à plus long terme, les économistes redoutent des répercussions sur le financement des retraites (et l’obligation de travailler plus longtemps) et les problèmes socio-économiques que posera une population vieillissante, avec moins de travailleurs en activité, une baisse des recettes fiscales, une baisse de la consommation et une augmentation des dépenses publiques.
Certains gouvernements, inquiets de ces conséquences, ont mis en route des politiques pronatalistes qui ne marchent pas, car on ne peut pas forcer les femmes, les hommes et les couples à faire des enfants. Il faudrait leur en redonner l’envie, et c’est un réel défi.

Breton D et al. L’évolution démographique récente de la France. Population. 2024(79)4 :1-88
Chellia L et al. Faut-il mieux informer les femmes jeunes sur leur fertilité ? Étude des connaissances sur une population d’étudiantes. Gynecol Obstet Fertil Senol. 2015(43)2:128-32
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