Plus délicate à étudier que la réponse humorale, la réponse des lymphocytes B mémoires a été jusqu’ici relativement peu documentée dans l’infection par le SARS-CoV-2. Selon une étude AP-HP/Inserm/CNRS/Universités de Paris et de Paris-Est Créteil, les patients ayant été infectés par le Covid-19 présentent des lymphocytes B mémoires spécifiques du domaine de liaison au récepteur (RBD) situé sur la protéine Spike du SARS-CoV-2. Ces lymphocytes sont capables, après s’être différenciés en plasmocytes, de générer une production précoce et rapide d’anticorps neutralisants.
La particularité de ce travail réalisé par l’hôpital Henri-Mondor, l’Institut Mondor de recherche biomédicale et l’Institut Necker-Enfants Malades est qu’il s’agit d’une étude longitudinale menée durant six mois. En caractérisant les populations de lymphocytes B mémoires au fil du temps, les chercheurs ont constaté une maturation progressive de la population lymphocytaire au sein des centres germinatifs et une part croissante de lymphocytes B spécifiques au SARS-CoV-2 (ciblant le RBD), aux dépens de lymphocytes B mémoires à réactivité croisée dits « cross-réactifs » (ciblant d’autres régions de la protéine Spike) provenant de l’exposition à des bêtacoronavirus saisonniers.
Des anticorps neutralisants
Pour le Pr Matthieu Mahevas du service de médecine interne de l’hôpital Henri-Mondor, cette observation est une bonne nouvelle pour la défense immunitaire à long terme contre le Covid-19. « Selon la littérature, la majorité des anticorps neutralisants sont dirigés contre le RBD, explique-t-il au « Quotidien ». Nous avons vérifié nous-mêmes le potentiel neutralisant de ces anticorps ».
Cette confirmation était essentielle alors que, dans le même temps, les lymphocytes B mémoires cross-réactifs développés à la suite de précédentes infections par des bêtacoronavirus ne sont pas protecteurs contre le SARS-CoV-2, comme le montrent également des chercheurs de l’université de Pennsylvanie (2). Si l’infection par le SARS-CoV-2 déclenche leur réactivation, ils ne sont en effet pas capables de protéger contre les formes graves.
Une autre observation importante de l’étude française : les lymphocytes B mémoires spécifiques au SARS-CoV-2 sont porteurs de mutations témoins de leur passage par les centres germinatifs : « c’est une marque prédictive d’une bonne et durable réponse à long terme », se réjouit le Pr Mahevas.
Une maturation progressive
Les études sérologiques destinées à évaluer l’immunité à long terme après une infection Covid-19 ont généré jusqu’à présent des résultats contradictoires. Par ailleurs, et bien que la présence de lymphocytes B mémoires ait été attestée jusqu’à six mois après l’infection dans un nombre croissant de publications, une étude récente suggérait que les cas sévères de Covid-19 pourraient présenter une réponse émoussée au sein des centres germinatifs, ce qui compromettrait la production de cellules B mémoires.
C’est la raison pour laquelle les auteurs ont étudié deux cohortes indépendantes : l’une constituée de patients atteints de formes sévères et l’autre de patients atteints de formes modérées. Dans les deux cas de figure, la présence de lymphocytes B mémoires spécifiques était retrouvée six mois après la guérison.
Élaborer la stratégie vaccinale
Les travaux de l’équipe de l’hôpital Henri-Mondor sont également importants pour l’élaboration d’une stratégie vaccinale. « On prend habituellement peu en compte le fait qu’une partie de la population a été exposée au virus et génère déjà de la mémoire immunitaire, rappelle le Pr Mahevas. Une infection produit généralement une réaction immunitaire à long terme plus robuste qu’un vaccin. Il est donc possible qu’il suffise d’injecter une seule dose de vaccin aux patients qui ont déjà été infectés, voire que la vaccination soit inutile. » Les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé vont en ce sens.
Un grand nombre de laboratoires explorent en ce moment les capacités neutralisantes des lymphocytes B mémoires chez les volontaires vaccinés au cours des derniers mois. D’autres études seront aussi nécessaires pour évaluer l’efficacité de cette réponse à long terme pour éviter les cas graves d’infection par les nouveaux variants. « Il y a une énorme diversité au sein des lymphocytes B mémoires, ajoute le Pr Mahevas. Un pool de cellules peut être mobilisé par les variants. Il reste à savoir quelle est son importance ».
(1) A. Sokal et al, Cell, 2021. doi.org/10.1016/j.cell.2021.01.050
(2) E. Anderson et al, Cell, 2021. doi.org/10.1016/j.cell.2021.02.010
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